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MARK BRUSSE - du 30 novembre 2018 au 11 janvier 2019

DU 30 NOVEMBRE 2018 AU 11 JANVIER 2019

MARK BRUSSE

COUPS DE MAIN. QUARANTE ANS DE CÉRAMIQUE

À propos de la céramique

Si l’on peut dire que le dessin est la transposition sur une surface —en passant par la main— d’une ligne partie directement du cerveau, on pourrait presque dire la même chose de la céramique : les mains dans la terre glaise obéissent aux impulsions du cerveau. Automatiquement, ce qui se forme sous les mains prend un aspect direct et organique.
Cette caractéristique de la céramique m’a toujours attiré et fasciné, tout comme le mystérieux, presque alchimique, travail du feu sur les oxydes et les émaux.
Dans mon travail d’assemblage, le contraste entre le mou et le dur est élémentaire. La céramique arrive à unir ces deux opposés ; le mou durcit, se pétrifie : un processus aussi vieux que notre planète elle-même.


Mark Brusse
Paris, novembre 2018

 

Du 30 novembre 2018 au 11 janvier 2019, la galerie présente un ensemble de céramiques réalisées en 2018 au Portugal dans l’atelier « Viuva Lamego », ainsi qu’une sélection de pièces plus anciennes exécutées entre 1979 et 2011, à Paris, au Japon, à Woodside, en Californie, lorsque Mark Brusse était en résidence à la Djerassi Foundation, ou encore en Espagne, à La Bisbal.
Parallèlement, la galerie Luc Berthier montre une sélection de collages (1980-2018) conçus à l’occasion de ses séjours au Japon et en Corée (23 novembre-22 décembre 2018) ; à partir du 6 décembre, la galerie Vallois expose son travail réalisé fin 2017 au Bénin, pendant sa résidence au « Centre » à Cotonou (sculptures, appliqués, collages).

HENRI CUECO - du 26 octobre 2018 au 23 novembre 2018

DU 26 OCTOBRE AU 23 NOVEMBRE 2018

HENRI CUECO

HOMMAGE

Les hommes rouges, les herbes, les serpents, les chiens, les pommes de terre, les Africains… la récurrence des thèmes est un des postulats de l’œuvre de Cueco.

Cette structure, propre à l’évolution du travail de l’artiste, révèle une double recherche : celle liée à l’interrogation constante que portera Cueco – acteur de la Nouvelle Figuration et cofondateur de la Coopérative des Malassis – sur la signification et la fonction de l’image peinte ; dans le même temps qu’il proposera, dans la pratique de la peinture elle-même, une distance critique sur le statut de cette représentation, s’appliquant à mettre en évidence le principe de ses éléments constitutifs : composition, profondeur, figure, couleur, mouvement, motif… par un au-delà du
« sujet ».

 

Du 26 octobre au 23 novembre 2018, la galerie Louis Carré & Cie rend hommage à Cueco en proposant une sélection de tableaux historiques et de peintures choisies parmi les œuvres montrées dans les douze expositions personnelles qu’elle lui a consacrées.

ERRÓ - du 14 septembre 2018 au 19 octobre 2018

DU 14 SEPTEMBRE AU 19 OCTOBRE 2018

ERRÓ

SVART OG HVÍTT

À partir du 14 septembre, la galerie présente une quinzaine de peintures en noir et blanc d’Erró.

 

Habitués à des peintures très colorées, peu de gens le relient à des œuvres en noir et blanc. Au cours de sa longue carrière, Erró a pourtant réalisé quelques peintures en noir et blanc, dont certaines de très grandes dimensions. Cette série s’inscrit comme un prolongement de sa quête d’expérimentation unique, pour marquer son langage, pour accentuer les contrastes, pour ciseler l’image.

OLIVIER DEBRÉ - du 18 mai 2018 au 29 juin 2018

DU 18 MAI AU 29 JUIN 2018

OLIVIER DEBRÉ

CINQ DÉCENNIES, CINQ GRANDS FORMATS

Cette exposition retrace le parcours pictural d’Olivier Debré du milieu des années cinquante aux années 1990, par le biais d’une sélection de tableaux grand format, dimension qu’il affectionne très tôt, dès son installation dans son atelier de Cachan.
« J’ai fait une toile, quand je suis arrivé ici, en 1946, qui fait 8 m de long ; j’ai peint des grands tableaux parce que j’en ai éprouvé le besoin et peut-être même avant que les Américains ne le fassent. »

Autour de 1950, Olivier Debré privilégie la matière et les couleurs sourdes. Les couleurs subtiles, sensibles, de sa palette à dominante sombre, sont appliquées au couteau en épaisses concrétions.
Au tournant des années 1960, Debré trouve sa voie originale. Fluidité de la matière étalée en larges champs monochromes ondulés avec des ponctuations de concrétions épaisses et colorées qui délimitent et génèrent l’espace.
Dès le début des années 1970 il voyage beaucoup, à la recherche de nouveaux paysages. « Sa peinture est plus fluide, plus ductile, plus musicale aussi » (Pierre Cabanne, in Combat, 8 octobre 1973). Ses toiles naissent un peu partout, à Ouarzazate dans le Sud marocain, à Kyoto, à Angkor, à Jérusalem, dans un fjord norvégien, à Assise en Italie, etc.

Dans les années 1980, il bénéficie de plusieurs commandes publiques, la plus importante étant celle du rideau de scène de la Comédie-Française inauguré en 1987, suivie de la réalisation du rideau de scène de l’opéra de Hong-Kong, à la demande de la fondation Louis Vuitton (inauguration en 1989).
1990, décennie durant laquelle Olivier Debré se rend beaucoup en Touraine, qui reste son lieu de peinture, son laboratoire expérimental. Il collabore en 1997 avec la chorégraphe Carolyn Carlson pour qui il crée les décors et les costumes du ballet Signes dont le thème est sa propre peinture. L’année suivante, il réalise, avec la collaboration de deux peintres chinois, Jing Shijian et Xu Jiang, le rideau de scène du nouvel opéra de Shanghai. Il meurt à Paris, le 1e juin 1999.

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HERVÉ DI ROSA - Du 1er Décembre 2017 AU 12 Janvier 2018

DU 1ER DÉCEMBRE 2017 AU 12 JANVIER 2018

HERVÉ DI ROSA

HERVÉ DI ROSA À LA VIUVA LAMEGO, PORTUGAL, 2014-2017

Depuis 2014, Hervé Di Rosa a installé son atelier mobile au Portugal. Pour cette nouvelle étape de son projet Autour du Monde, fidèle à son usage depuis 1989, il s’est rapproché des meilleurs artisans locaux. Il a choisi, entre autres, de se consacrer à la peinture sur céramique à Lisbonne, la ville dont les murs des maisons sont recouverts d’azulejos.
C’est dans la manufacture de la Viuva Lamego (fondée en 1849) que l’artiste a emménagé un studio provisoire et s’est acclimaté à cette tradition bicentenaire, qui combine science des couleurs et secrets de cuisson. Cette pratique lui a inspiré une série de céramiques uniques, peintes à la main sur la platerie et les volumes traditionnels qu’il a détournés à sa manière.
Certaines de ces œuvres ont été présentées dans l’exposition Plus jamais seul. Hervé Di Rosa et les arts modestes à la maison rouge en 2016-2017.
L’ensemble de l’étape portugaise sera exposé à l’automne 2018 au musée La Piscine de Roubaix.

FRANÇOIS BOISROND - DU 15 SEPTEMBRE AU 21 OCTOBRE 2017

DU 15 SEPTEMBRE AU 21 OCTOBRE 2017

FRANÇOIS BOISROND

AU RAPPORT

À l’occasion de l’exposition de son œuvre graphique montrée au cabinet des dessins Jean Bonna des Beaux-Arts de Paris en 2016, François Boisrond avait créé des œuvres qui livraient de nouveaux univers. La série des « Uniformes » marquait le début de ses recherches sur le costume, et le grand dessin Le Roi boit introduisait dans son travail le « tableau vivant » comme motif préalable à la réalisation d’une œuvre, ainsi qu’ un glissement serein vers les maîtres anciens, un retour en douceur vers les tableaux du passé.
Avec l’exposition Au rapport, présentée à la galerie Louis Carré & Cie du 15 septembre au 21 octobre 2017, François Boisrond poursuit, à la peinture, ses recherches sur le costume et la composition de « tableaux vivants ». Entre 2016 et 2017, dans son atelier du Bateau-Lavoir, séparé du monde réel et appartenant au passé et au présent simultanément, François Boisrond a mis en scène des « tableaux vivants ». À la manière d’un réalisateur de cinéma, il a créé des décors, des costumes et des lumières. Il a dirigé les « acteurs » et filmé des plans. Les arrêts sur images, passés par l’outil numérique et recomposés, lui ont servi de motifs pour la réalisation de ses peintures.

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GASTON CHAISSAC - DU 12 MAI AU 24 JUIN 2017

DU 12 MAI AU 24 JUIN 2017

GASTON CHAISSAC

VARIATIONS AUTOUR DU PAPIER

L’œuvre de Gaston Chaissac est imprégnée d’une constance dont il ne se dédit jamais : il se met au défi d’inventer, de renouveler la forme. Il déverrouille les certitudes du geste, s’impose l’émerveillement d’un nouveau matériau, le déploiement des idées, il collecte, ensemence, se laisse imprégner par la ressource infinie du monde qu’il observe.
Dans cette quête du mouvement, Gaston Chaissac est un voyageur qui capte l’éphémère équilibre d’un instant. Pour cela, ne cherchant pas à engranger pour plus tard, il met en place son dispositif dans l’immédiateté, l’urgence créative : le papier est le matériau-outil par excellence pour Gaston Chaissac, le support privilégié de son travail pictural, la matière variée de ses compositions, le motif sans cesse renouvelé qui lui ouvre de nouvelles digressions.
Facile à se procurer, à transporter, à envoyer, le papier est un fil conducteur qui traverse l’œuvre de l’artiste avec l’élégance et la fragilité de l’esquisse et la force vitale, la vigueur d’une œuvre accomplie.

 

Nadia Raison
Petite-fille de l’artiste
Éditrice et rédactrice du site gaston-chaissac.org

 

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ERRÓ - DU 17 MARS AU 29 AVRIL 2017

DU 17 MARS AU 29 AVRIL 2017

ERRÓ

LES GRANDS MAÎTRES

Peintres du Moyen Âge, du siècle d’or, fauves, surréalistes, maîtres du cubisme… Tous hantent son monde. […] Car, pour Erró, l’histoire de l’art n’est pas un livre illustré qui prendrait soigneusement la poussière dans une bibliothèque. L’histoire de l’art constitue ce réservoir intarissable, un trésor inestimable, de représentations toujours d’actualité, dont il use et abuse dans ses compositions – tant en collage qu’en peinture. Le goût pour le patrimoine artistique d’Erró revêt bien souvent les lignes de visages : ceux […] de Picasso, de Matisse ou encore [de Fernand Léger]… Leurs faciès peuplent les immenses cascades panoramiques du géant islandais.

[…] Erró aime inlassablement revenir à Picasso. Comme l’Espagnol, l’Islandais « fragmente les images qu’il aime ; les déplace et réunit les fragments. Il les fait entrer [parfois en les bousculant] dans son propre univers » (Erró sur Picasso). Quand le maître du cubisme n’est pas directement le sujet de vastes panoramas, il est l’invité de nombreuses toiles. […]

 

Du 17 mars au 29 avril, reviennent sur les cimaises de la galerie, comme un clin d’œil, les ombres de Picasso et de Léger, deux grands Maîtres exposés par Louis Carré dans les années 50, sur ces mêmes cimaises.

 

Extraits de « Tous embrigadés au service de l’artiste » par Malika Bauwens (in « Erró au MAC Lyon », Beaux-Arts, hors-série septembre 2014).

THOMAS HUBER - DU 20 JANVIER AU 25 FÉVRIER 2017

DU 20 JANVIER AU 25 FÉVRIER 2017

THOMAS HUBER

À L’HORIZON. AQUARELLES

Cette exposition de Thomas Huber à la galerie fait suite à l’exposition de peintures Science – Fiction présentée en 2006, et à l’exposition d’aquarelles montrée en 2008, sous le titre Laboratoire.

Du 20 janvier au 25 février, la galerie présente un ensemble de vingt-deux aquarelles, en résonance avec l’exposition Horizon du musée des Beaux-Arts de Rennes où sont exposées les peintures, du 4 février au 14 mai.
Par le biais de l’aquarelle, médium essentiel dans son travail et étape préliminaire à la peinture, Thomas Huber teste ses compositions, les rend vivantes.
Parallèlement à ces deux événements, Le Centre culturel suisse à Paris présente une exposition de Thomas Huber du 21 janvier au 2 avril, intitulée Extase, et la HAB Galerie à Nantes et le Frac des Pays de la Loire montrent respectivement Thomas Huber. L’Imagination au pouvoir (du 10 février au 23 avril) et Emmanuel Pereire présenté par Thomas Huber (du 18 mars au 28 mai).

 

« Après ses études d’art à la Kunstgewerbe-schule de Bâle, puis au Royal College of Art à Londres en 1979, et enfin à la Kunstakademie de Düsseldorf de 1980 à 1983, Thomas Huber développe un art qui associe peinture, installation et discours théorique sur l’art. L’artiste procède dans ses tableaux à des mises en abyme qui aspirent le spectateur dans l’espace de la représentation. C’est une peinture énigmatique qui fascine et intrigue. Thomas Huber nous emmène dans un monde faussement cartésien ; ses tableaux sont peints de façon précise, avec une matière en aplats lisses. Rien n’est laissé à l’improvisation, à l’approximation ou au hasard. C’est un art pensé, réfléchi, dans lequel le dessin tient une place primordiale, au même titre que le discours, puisque ses œuvres s’accompagnent d’exposés que l’artiste proclame lors de performances. L’univers dans lequel il nous entraîne est un monde d’illusions et de chausse-trape qui invite le spectateur à se perdre. »

(Extrait du programme du musée des Beaux-Arts de Rennes)

HERVÉ DI ROSA - DU 8 DÉCEMBRE 2016 AU 14 JANVIER 2017

DU 8 DÉCEMBRE 2016 AU 14 JANVIER 2017

HERVÉ DI ROSA

IMAGES ET PEINTURES

« Les peintures que je présente dans cette exposition sont nées entre Paris et Lisbonne, les deux villes où je réside actuellement. Chaque peinture est un panorama des thèmes qui me sont chers, sur un espace assez vaste me permettant d’explorer toutes les possibilités et de jouer avec une grande variété de matières, de compositions et de façons : sous-marine, jungle luxuriante, jardin et papillons, cabinet de curiosités. En façonnant ces œuvres, je continue de me poser la question des rapports de l’image et de la peinture, de l’image peinte ou des peintures d’images, soit l’image dans tous ses états !

Malgré la diversité de mes activités dans le champ de l’art, la peinture est au cœur de mon métier. Sa pratique au quotidien m’est essentielle. Elle me permet depuis toujours de résoudre une quantité de questions dans mon art comme dans la vie. »

 

Hervé Di Rosa

Paris, novembre 2016

HADJU - DU 28 OCTOBRE AU 26 NOVEMBRE 2016

DU 28 OCTOBRE AU 26 NOVEMBRE 2016

HAJDU

Exposition présentée à l’occasion de la parution aux éditions Jannink, de la monographie Hajdu par Juliette Laffon.

 

Le parcours artistique d’Étienne Hajdu, né en Transylvanie en 1907 et installé à Paris en 1929, se développe après la guerre sur plus d’une trentaine d’années de pleine maturité créatrice. Il est très tôt défendu par la galerie Jeanne Bucher, puis par la galerie Knœdler, à New York et à Paris. Il se consacre entièrement à son œuvre, retiré dans son atelier à Bagneux (1), en amitié avec des artistes tels Árpád Szenes, Vieira da Silva, Alain de la Bourdonnaye, Vera Molnár, Suzanne Magnelli, Nicolas de Staël et Zao Wou-Ki, des critiques comme Dora Vallier et Pierre Granville, des historiens de l’art comme Serge Lemoine. Esprit indépendant et résolu, Hajdu ayant choisi une voie personnelle très affirmée déjoue toute tentative de classification. Sa rétrospective au musée national d’Art moderne en 1973, marque l’apogée de sa carrière. Il a alors soixante-six ans.
Il a auparavant reçu les honneurs du Grand Prix national de sculpture en 1969 et du Prix Nordrhein-Westfalen de sculpture en 1965. Sa reconnaissance, établie plus tôt à l’étranger qu’en France, est servie par des expositions personnelles dans de grandes institutions, en Europe et aux États-Unis. Il est présent dans des collections privées et publiques outre-Atlantique et en Europe.
Figure incontestée de la sculpture des années 1955-1970, ayant participé et apporté sa contribution à l’aventure de l’Art moderne, Hajdu est aujourd’hui injustement méconnu. Sa dernière exposition dans une institution parisienne, le Centre Georges Pompidou, remonte à 1979. Dédiée à son œuvre sur papier, elle a fait l’objet dix ans plus tard d’une nouvelle publication par Pierre Descargues. Un ensemble conséquent de son travail a été présenté en 2002 au musée d’Art et d’Archéologie du Périgord à l’occasion de l’importante donation de la veuve de l’artiste, Luce Hajdu, à la ville de Périgueux.
Son art se développe pleinement après son retour à Paris, à la Libération. Picasso est alors omniprésent, tandis que des peintres plus jeunes, Fautrier et Dubuffet, suscitent un bel enthousiasme et que l’on découvre en Bernard Buffet le représentant d’un réalisme misérabiliste. Les tenants d’un retour à la tradition prônent un art se voulant constructif et positif en réponse à l’art abstrait qui fait débat et divise le milieu artistique. Une nouvelle génération de peintres qui abandonnent la figuration pour une abstraction géométrique émerge. Elle devient en quelques années une sorte d’avant-garde officielle, soutenue par la galerie Denise René – qui présente Herbin, Magnelli, Arp, Vasarely, Dewasne et Mortensen –, le Salon des réalités nouvelles à partir de 1946, la revue Art d’aujourd’hui et l’Académie d’art abstrait de Dewasne et Pillet à la Grande Chaumière, de 1950 à 1952. En 1955, à la galerie Denise René est organisé le premier Salon de la sculpture abstraite, (qui sera absorbé par le Salon de la jeune sculpture). L’art abstrait suscite nombre de publications : en 1949, les ouvrages de Michel Seuphor, L’Art abstrait, ses origines, ses premiers maîtres, et de Auguste Herbin, L’Art non figuratif, non objectif ; en 1956 ceux de Michel Ragon, L’Aventure de l’art abstrait et de Marcel Brion, Art abstrait ; en 1957 celui de Michel Seuphor, Dictionnaire de la peinture abstraite. Toutefois, dès 1950, Charles Estienne exprime ses réserves à l’égard de ce qu’il considère être un académisme stérile, contre lequel il appelle à s’insurger (2). Bientôt, la primauté de l’abstraction géométrique s’efface au profit de l’abstraction lyrique qui reste en faveur jusqu’au milieu des années 1960. Le critique Michel Ragon en est le défenseur le plus ardent. Il constate, dans la revue Cimaise en septembre 1957, que l’art abstrait qui était « maudit » s’est imposé dans les galeries, les collections, les Salons, les Biennales (3).
Hajdu refuse de choisir entre figuration et abstraction, cherche à dépasser cet antagonisme convenu. Par l’invention de formes et de rythmes inhérents à la structure de l’Univers, il crée une œuvre en lien avec l’organique, visant à révéler la part d’humanité de tout homme : « Je suis sur la terre et c’est dans la mesure où je suis un fragment de la nature qui m’impose sa loi et mes formes de pensées que je suis moi-même. Il n’y a pas pour moi une réalité intérieure, une réalité extérieure, ce sont deux aspects d’une réalité unique (4). »
À l’instar du reste de la scène française, Hajdu est confronté, dès la fin des années 1950, à la montée en puissance de l’art américain que Fernand Léger, réfugié à New York, avait décelée dès 1946. À la question posée par Léon Degand dans les Lettres françaises, « Existe-t-il une peinture américaine ? » Léger répond : « Oui et elle est en pleine évolution. Je suis cependant persuadé que les Américains sont sur la voie d’une grande époque d’art. Elle s’annonce déjà (5). »

Dans l’immédiat après-guerre, en dépit d’une situation artistique tendue, la confiance persiste néanmoins en France dans la suprématie de Paris, confortée par un déni de la nouvelle réalité culturelle américaine. Pourtant, dès le début des années 1960, les galeries parisiennes pâtissent du désengagement, puis de la désertion des acheteurs américains qui constituaient la part essentielle de leur clientèle. Ceux-ci trouvent désormais, dans l’action painting puis dans le pop’art, un art affranchi de l’emprise de l’École de Paris et qui répond à leurs attentes. Michel Ragon en fait le constat : « Lors de mon premier voyage (1959) aux États-Unis, j’y avais trouvé une saine émulation contre l’École de Paris. On voulait alors prendre place à égalité près de la rivale, voire à la dépasser. Mon second séjour (1964), cinq ans plus tard, s’est déroulé dans un climat différent. On n’y attaquait plus l’École de Paris parce que, pour les milieux d’avant-garde américains, elle n’existait plus. […] Cette conviction de la supériorité de l’École de New York a été le résultat d’une très habile orchestration de certains marchands et critiques (6). » En 1964, Daniel Cordier décide de fermer sa galerie rue de Miromesnil et part pour les États-Unis, comme le font les artistes Arman, Spoerri, Martial Raysse, Christo et Tinguely. L’attribution du Grand Prix de la Biennale de Venise, en 1964, à un jeune artiste américain, Robert Rauschenberg, marque la fin de la prééminence de Paris. Hajdu, comme beaucoup d’autres artistes de la scène française, en subit les conséquences. Ainsi, la galerie Knœdler ne lui consacre plus d’exposition après 1969. La critique et le public américains se détournent d’un art représentant à leurs yeux une certaine tradition française dépassée. En outre, de nouvelles problématiques et pratiques renouvelant radicalement la sculpture et son champ d’action, apparaissent dans les années 1960 en Europe et aux États-Unis. Les artistes de l’art minimal, du land art et les nouveaux réalistes, occupent progressivement le devant de la scène.
L’œuvre rare et singulière de Hajdu, sensible, d’une sensualité discrète mais non dénuée de violence dans ses bas et hauts-reliefs en métal, doit être reconsidérée à l’aune de notre regard d’aujourd’hui et retrouver la place qui lui revient.

 

Juliette Laffon
Hajdu (introduction)

 

Notes :
1. Entretien téléphonique avec Michel Ragon, juin 2015.
2. Charles Estienne, L’Art abstrait est-il un académisme ?, Paris, Éditions de Beaune, 1950, p. 5 : « L’Art abstrait est en danger… ce n’est pas dire qu’aucun danger extérieur le menace… bien au contraire : il a maintenant pignon sur rue, il a son Salon, ses galeries, il est la grande vedette d’une revue toute entière ; outre les critiques qui le défendent spécialement et sont donc considérés par beaucoup, à tort ou à raison, comme ses spécialistes (ce qui ne veut pas dire, je l’espère, ses fonctionnaires), il intéresse, préoccupe ou inquiète les autres critiques ; des peintres abstraits importants tiennent d’honorables places dans les comités de Salons non abstraits ; enfin cette forme d’art commence même à faire trembler, commercialement, les collectionneurs et les galeries les plus sûres de son contraire […]. »
3. Michel Ragon, « Bilan », ou « L’art abstrait je l’aime toujours, mais le préférais quand il était frais », Cimaise, septembre 1957, p. 75 : « Comme on le voit, l’art abstrait que nous avions trouvé inconnu des foules, honni par les marchands et la plupart des critiques, ridiculisé dans la presse, invendable et invendu, est maintenant journalisé, romancé, recensé, caricaturé. On l’enlève aux enchères. Tout le monde en veut. […] L’art abstrait, oui bien sûr, je l’aime toujours, mais je le préférais quand il était frais. Il commence à sentir mauvais. […] »
4. Étienne Hajdu, sculptures, lavis, estampilles, galerie La Cité, 7 novembre-6 décembre 1977, Luxembourg.
5. Léon Degand, « Le retour d’un grand peintre, F. Léger », Lettres françaises, 13 avril 1946, cité par Serge Guibaut. Comment New York vola l’idée d’art moderne, éditions Jacqueline Chambon, 1988 (The University of Chicago, 1983), pp. 168-169.
6. Ibid. p. 307.

JEAN-JACQUES LEBEL - DU 16 SEPTEMBRE AU 22 OCTOBRE 2016

DU 16 SEPTEMBRE AU 22 OCTOBRE 2016

JEAN-JACQUES LEBEL

TRANSFERTS

Créées entre 1962 et 1964 à partir de coupures de journaux ou de magazines que Jean-Jacques Lebel avait sous la main (selon lui, principalement des exemplaires de Elle et Marie Claire jetés par sa compagne), les œuvres présentées dans cette exposition sont le fruit d’une occasion bien saisie. Rien de frivole ou de capricieux dans ces soigneuses compositions. Lebel, qui avait alors autour de vingt-cinq ans, était déjà un chineur d’images sophistiqué. Élevé à New York parmi les artistes chassés d’Europe par le fascisme et la guerre, les ressources visuelles et verbales du collage ont, pour ainsi dire, été sa langue maternelle. Une photo de famille le montre à six ans entre sa mère et sa gouvernante, entouré par Aimé Césaire, Marcel Duchamp, Max Ernst et d’autres.

Si quelques pièces de cette exposition sont à proprement parler des collages et sont parfois rehaussées au crayon, à la gouache ou à l’aquarelle, la plupart des images ont été obtenues par la technique du transfert. Le transfert consiste à humecter la coupure de presse avec un solvant (du trichloréthylène, à l’époque) et à l’appliquer en la tamponnant ou en la frottant sur un nouveau support absorbant. Cette technique donne des résultats semblables au collage ou photomontage dadaïste sans avoir besoin d’appareil photo ni de colle. Se passant des étapes intermédiaires de la photographie, du développement et du tirage, l’immédiateté du transfert permet à Lebel de transformer un matériau brut, en l’occurrence des images normatives diffusées par les media, en des compositions caustiques, et cela, avec l’apparente facilité d’une traduction simultanée.

 

Rachel Stella
Jean-Jacques Lebel : l’ironie scopique du « Je »

Préface du catalogue publié à l’occasion de l’exposition (extrait)

 

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Created between 1962 and 1964 with elements picked from the newspapers and magazines Jean-Jacques Lebel had at hand (according to him, mainly copies of Elle and Marie Clairediscarded by his sweetheart), the works on display are sourced in contingency. Yet there is nothing frivolous or capricious in these thoroughly composed accumulations. By the time they were made, Lebel, in his mid-twenties, was already a sophisticated scavenger of images. A family photo portrays six-year-old Jean-Jacques between his mother and nanny, flanked by Aimé Césaire, Marcel Duchamp, Max Ernst and others. During his early childhood in New York City, he was home-schooled, so to speak, by the transitory community of artists driven from Europe by fascism and war. Hence his ability to discourse in collage as if it were his mother tongue.

Though a few pieces in this show include collage and are sometimes enhanced with pencil, gouache or watercolors, the particularity of this series is that most of the images are generated by transfer techniques. Transfer involves soaking the source material in solvent, laying it face down on a porous receiving surface such as drawing paper, and then rubbing it with a tool in order to release the image from its original medium and transfer it onto the new surface. The resulting works evoke dada photomontage, though they are made without using a camera or glue. Foregoing the intermediate steps of photographing, developing and printing, the immediacy of this technique allows Lebel to transform his raw material, in this case the normative images generated by the media, into caustic compositions with the facility of a simultaneous translator.

 

Rachel Stella

The Eyeronic I of Jean-Jacques Lebel
Preface to the catalogue published on the occasion of the exhibition (extract)

KCHO - DU 20 MAI AU 2 JUILLET 2016

DU 20 MAI AU 2 JUILLET 2016

KCHO

TODOS LOS CAMINOS

Le Rapt d’Europe

Ça commence par une île flottante, terre égarée parmi les eaux multiples et houleuses. On peut s’y perdre. Mais on peut aussi rêver sous de telles latitudes : à la sécurité insulaire, il faut savoir opposer le paradis des turbulences volcaniques. On tentera d’en donner quelques exemples, pour éveiller en nous ces petites histoires qu’on s’imagine parfois à partir d’une forme ou d’un titre. Le Rapt d’Europe (qu’on retrouve sur les merveilleuses sérigraphies des boîtes de cigares cubains du XIXe siècle). La Dernière Cène. Un récit qui ne s’inscrit pas dans un temps qui aurait une fin ou une origine : le temps dans les sculptures et les dessins de Kcho, dans les mythes qu’il nous montre, est une sorte de présent qui échappe à la pensée de l’histoire. L’artiste se dirige au gré de ses courbes et ses méandres.

 

Un objet peut en cacher un autre

Attention danger. C’est bien le sens du panneau ferroviaire qui nous avertit qu’il faut prendre garde : un train peut en cacher un autre. Ce sont selon les mots de l’artiste : des « objets dangereux ». Utilisant des déchets, des matériaux trouvés, des objets de rebut, Kcho se livre depuis des années à la création presque exclusive d’embarcations aberrantes, déconcertantes, loufoques. Ce sont des barques empilées, parfois surmontées d’un avion, avec des rames qui leur servent de pattes, ou assemblées sous forme d’une hélice qui permet de se propulser. Des barques totalement improbables mais toujours propices au départ. Renvoyant toujours à toutes sortes d’autres jeux imaginaires, avec le même souci de précision et de perturbation méthodique. Elles nous conduisent vers ce là-bas dont il semble montrer le caractère inaccessible. Avec elles, nous nous sentons plus légers, plus libres aussi, comme suspendus dans les airs. Quant à la mer, c’est l’aboutissement infini du fleuve, elle constitue l’espace de l’achèvement et l’étendue de l’ouverture, le lieu du départ. Il y a sans doute quelque chose d’étonnant dans ces embarcations, un appel à un regard natif. N’importe quel objet ou presque peut servir à n’importe quel autre : l’enfant ne procède pas autrement qui, par ses jeux et par ses jouets, a le pouvoir de transformer le sens et l’utilité des choses. Affranchi de ses servitudes utilitaires, chaque objet est susceptible de changer de sens et d’utilisation, pourvu simplement qu’il s’y intéresse. Travail poétique, très certainement, que ce pouvoir, celui du devenir de chaque objet, du devenir-autre-chose de chaque chose. Le résultat est déconcertant. Mais il y aurait aussi une « mise en pièces » dans ce travail de sculpteur, une violence délibérée qui est l’équivalent d’un naufrage.

 

L’Écart absolu

Faut-il voir dans l’œuvre de Kcho une défense ardente et par conséquent la révélation d’un monde ignoré, celui de l’écart absolu théorisé par le philosophe Charles Fourier dans son ouvrage La Fausse Industrie : « Colomb pour parvenir à un nouveau monde continental adopta la règle d’écart absolu ; il s’engagea dans un Océan vierge, sans tenir compte des frayeurs de son siècle ; faisons de même, procédons par écart absolu, rien n’est plus aisé, il suffit d’essayer un mécanisme en contraste du nôtre. » Sous ce terme il allait donc proposer, pour parvenir à quelque Amérique du savoir, de prendre le contre-pied de ce qui se fait ordinairement sous l’empire de la civilisation, « d’exploiter largement l’esprit de contradiction, de l’appliquer non pas à tel ou tel système de philosophie, mais à tous ensemble, puis à la civilisation qui est leur cheval de bataille, et à tout mécanisme social actuel de l’humanité ».

 

La morale du joujou

On réfléchira aussi, à propos de ses œuvres, à partir de la notion de « modèle réduit » telle que l’analyse Claude Lévi-Strauss dans La Pensée Sauvage. Pour lui, « à l’inverse de ce qui se passe quand nous cherchons à connaître une chose ou un être en taille réelle, dans le modèle réduit la connaissance du tout précède celle des parties ». Un jouet donne des bonheurs de connaissance rapide, des plaisirs liés aux sentiments de saisir immédiatement une totalité. C’est la « morale du joujou ». Dans son analyse, l’ethnologue s’interroge sur la nature de l’art : « La question se pose, de savoir si le modèle réduit, qui est aussi le “chef-d’œuvre” du compagnon, n’offre pas toujours et partout, le type même de l’œuvre d’art. » De chercher l’excès dans le domaine du tout petit, Kcho créé lui aussi des mondes minuscules. Un bateau à voile navigue dans un chaudron. Où parfois l’eau s’est évaporée. On pensera à cette réplique savoureuse de Jean Gabin sur le pouvoir des images dans Le Quai des brumes de Marcel Carné, tourné en 1938 :
« – Je peins malgré moi les choses cachées derrière les choses. Un nageur pour moi, c’est déjà un noyé.
– Des natures mortes, quoi… »

 

Celui qui piège

On verra sans doute dans le dessinateur un diable (Mi rostro como el diablo). Dessiner serait pour lui poursuivre d’étranges êtres intermédiaires. Ou traverser d’étranges devenirs. Dans ses Autoportraits, il est debout ou à genoux, mais sa tête est devenue requin. Requin, par étymologie populaire (obscure ou fantaisiste), c’est requiem, la « messe des morts », parce que quand le requin saisit un homme, il ne reste qu’à faire chanter le requiem pour le repos de son âme. C’est aussi une bouche aux mâchoires garnies de puissantes dents coniques, nombreuses et presque identiques, qui servent à agripper les proies avant de les avaler. Si bien que le Moyen Âge a presque toujours donné à la gueule des enfers un aspect de monstre marin. De telles images rappellent, au fond, ce saint anachorète dont parle Dali dans son Journal d’un génie, et qui pour s’adonner entièrement à son rôle terrestre et ruminant, voulait n’avoir recours pour subsister qu’à ses mâchoires, réservant ainsi exclusivement l’acte d’avaler à Dieu. Dans cet imaginaire, nous ne parlons pas, c’est plutôt l’animal qui mène le jeu. Mais le requin est aussi un sous-marin destiné à explorer le fond des profondeurs océanes, comme dans une aventure de Tintin. On pensera en visitant l’exposition de Kcho à la galerie Louis Carré à Moby Dick d’Herman Melville : « T’es un requin, pour sûr, mais si tu gouvernes le requin en toi, tu seras un ange ; car tous les anges, c’est rien de plus que les requins gouvernés. » Ou aux Chants de Maldoror : « j’aurais voulu être plutôt le fils de la femelle du requin ».

 

Barques embarquées sur les embarcadères
Emmanuel Guigon
Avril 2016

 

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El Rapto de Europa

Todo empieza con una isla flotante, tierra perdida entre las aguas múltiples y procelosas. Es fácil perderse, pero también cabe soñar en estas latitudes: frente a la seguridad insular, reivindiquemos el paraíso de las turbulencias volcánicas. Intentaremos dar algunos ejemplos que despierten en nosotros esas pequeñas historias que a menudo imaginamos a partir de una forma o de un título. El rapto de Europa (que encontramos en las maravillosas serigrafías de las cajas de puros cubanas del siglo XIX). La última cena. Un relato que no se inscribe en un tiempo que pueda tener principio o fin: el tiempo de las esculturas y los dibujos de Kcho, en los mitos que nos muestra, es como un presente que escape al pensamiento de la historia. El artista navega dejándose llevar por sus curvas y sus meandros.

 

Un objeto que puede ocultar otro

Atención, peligro. Cruzando un paso a nivel, detrás de un tren estático quizá se esconda otro, veloz. Es lo que nos transmite aquel cartel ferroviario que llama a la prudencia: «Cada tren puede ocultar otro tren». En palabras del artista, estos objetos son «peligrosos». Utilizando residuos, materiales encontrados aquí y allá, objetos inservibles, Kcho se entrega de forma casi exclusiva, desde hace años, a la creación de embarcaciones aberrantes, desconcertantes, disparatadas. Son barcas apiladas, a veces coronadas por un avión, con remos que les sirven de patas, o montadas en forma de hélice que les permite propulsarse. Barcas totalmente improbables, pero siempre listas para ponerse en marcha. Remiten a todo tipo de juegos imaginarios, con la misma obsesión de precisión y de perturbación metódica. Nos conducen hacia aquella lejanía al tiempo que parecen señalar su carácter inaccesible. Con ellas, nos sentimos más ligeros, más libres también, como suspendidos en el aire. En cuanto al mar, es la consecuencia infinita del río, constituye el espacio de la culminación y la extensión de la abertura, el punto de partida. Sin duda hay algo asombroso en estas embarcaciones, como si reclamaran una mirada nativa. Cada objeto, o casi, puede servir para cualquier otro objeto: es lo que hace el niño con sus juegos y sus juguetes: usa el poder de transformar el sentido y la utilidad de las cosas. Liberados de servidumbres utilitarias, los objetos son susceptibles de cambiar de sentido y de uso, a nada que se pongan a ello. Este poder, el del devenir de cada objeto, el devenir en algo diferente de otro algo, es ciertamente un trabajo poético. El resultado es desconcertante, pero es como si, en este trabajo de escultor, se diera también un despiece, una violencia deliberada que es el equivalente del naufragio.

 

La Distancia absoluta

Debemos, pues, ver en la obra de Kcho una defensa ardiente y, por consiguiente, la revelación, de un mundo ignorado, el de la distancia absoluta teorizada por el filósofo Charles Fourier en su obra La falsa industria: «Colón, para alcanzar un nuevo mundo continental, adoptó la regla de la distancia absoluta: se lanzó a un Océano virgen sin tener en cuenta los temores de su siglo; hagamos lo mismo, procedamos mediante la distancia absoluta, nada es más fácil, solo debemos ensayar un mecanismo que contraste con el nuestro». Bajo este término estaba proponiendo, para llegar a unas Américas del Conocimiento, ir a contrapelo de los usos ordinarios bajo el imperio de la civilización, «explotar sin medida el espíritu de contradicción, aplicarlo, no a tal o cual sistema filosófico, sino a todos al mismo tiempo, y después a la civilización que es su caballo de batalla, y a todo mecanismo social actual de la humanidad».

 

La moral del juguete

También cabe reflexionar, a propósito de sus obras, a partir de la noción de «modelo reducido» tal y como la analiza Claude Lévi-Strauss en El pensamiento salvaje. Para él, «a la inversa de lo que ocurre cuando intentamos conocer una cosa o un ser en su tamaño real, en el modelo reducido el conocimiento del todo es anterior al de las partes». Un juguete nos da la felicidad del conocimiento rápido, el placer vinculado a la sensación de capturar en el instante una totalidad. Es la «moral del juguete». En su análisis, el etnólogo se interroga sobre la naturaleza del arte: «La cuestión está en saber si el modelo reducido, que es también la “obra maestra” del artesano, no representa en todo tiempo y lugar el modelo mismo de la obra de arte». Al buscar el exceso en el territorio de lo más pequeño, Kcho crea también mundos minúsculos. Un barco de vela navega por un caldero. En el que a veces se ha evaporado el agua. Nos viene a la memoria la sabrosa frase de Jean Gabin sobre el poder de las imágenes en Le Quai des brumes, de Marcel Carné, rodada en 1938:
«—Pinto a mi pesar las cosas que se esconden tras las cosas. Para mí, un nadador ya es un ahogado.
—Naturalezas muertas, ¿no?»

 

El que atrapa la presa
Veremos sin duda un diablo en el dibujante (Mi rostro como el diablo). Dibujar sería para él perseguir a extraños seres entre dos aguas. O atravesar extraños devenires. En sus Autorretratos, está de pie o de rodillas, pero su cabeza es la de un tiburón. Tiburón, requin en francés, en virtud de una etimología popular (oscura o imaginativa) es el réquiem, la «misa de difuntos», porque cuando el tiburón atrapa a un hombre ya solo queda cantar un réquiem por su descanso eterno. Es también una boca de mandíbulas armadas con poderosos dientes cónicos, numerosos y casi idénticos, que sirven para aferrar su presa antes de devorarla. De modo que la Edad Media casi siempre ha dado a la boca del infierno un aspecto de monstruo marino. Estas imágenes, en el fondo, recuerdan al santo anacoreta del que hablaba Dalí en su Diario de un genio y que, para entregarse totalmente a su papel terrestre y rumiante, quería recurrir para su subsistencia solo a sus mandíbulas, reservando exclusivamente a Dios el acto de tragar. En este imaginario no hablamos: el animal lleva la voz cantante. Pero el tiburón también es un submarino que explora las profundidades oceánicas, como en una aventura de Tintín. Al visitar la exposición de Kcho en la galería Louis Carré pensaremos en Moby Dick, de Herman Melville: «Eres un tiburón, sin duda, pero si domas al tiburón que hay en ti, entonces serás un ángel, pues todos los ángeles no son sino tiburones domados». O en los Cantos de Maldoror: «Hubiera querido ser más bien el hijo de la hembra del tiburón».

 

Barcas embarcadas en los embarcaderos
Emmanuel Guigon
Abril 2016
Traduction Alicia Martorell

ELIZABETH PATTERSON - DU 1 AU 30 AVRIL 2016

DU 1 AU 30 AVRIL 2016

ELIZABETH PATTERSON

THE ABSTRACTION OF REALITY

Avec ses images magnifiques de finesse, Elizabeth Patterson nous éloigne du monde qui nous entoure, mais c’est pour mieux nous replonger dans ses profondeurs. Cette extraction/immersion se manifeste sous une forme éclatante dans ses récentes œuvres sur papier. Chacune représente une scène de rue parisienne vue à travers un pare-brise de voiture, sous une pluie battante. Les bruines délicates, les gentilles averses n’intéressent pas Elizabeth Patterson : attirée par les extrêmes, elle ne sort travailler que sous ces trombes qui vous trempent jusqu’aux os en dépit du parapluie. La vaste masse d’eau précipitée par les nuages brouille la vue. Interposée entre le décor et vos pupilles, elle estompe les contours, distord les proportions. La pluie accentue les couleurs, qui miroitent avec un éclat plus chatoyant que d’ordinaire, certaines brillant du même feu que les lumières des salles de spectacle.
Le risque dû au manque de visibilité s’aggrave du fait de la circulation automobile. Emportés par le flot des véhicules, nous fonçons vers des situations nouvelles à une allure que seuls les moyens mécaniques rendent possible. Susciter en nous ce sens animal du danger, que l’on éprouve quand on ne sait où se situer dans son environnement immédiat, n’est pas l’objectif des dessins d’Elizabeth Patterson. Au contraire, lorsqu’elle nous laisse soupçonner un péril tapi dans l’inconnu ou non identifié, elle nous aide à avancer vers son but réel : nous faire ressentir, en regardant d’un œil neuf ce qui nous entoure, ce frisson de tranquillité, cette puissante alliance d’exaltation et de paix que les philosophes des Lumières appelaient parfois le sublime.
Le sentiment de danger que nous inspire l’inconnu intensifie la beauté des dessins délicats d’Elizabeth Patterson et de leurs couleurs méticuleusement fondues. Inondés de lumière, les tons de sa palette sursaturée ont la séduction de l’artifice. Nous sommes aussi sous le charme de ces formes abstraites dont la danse emplit tout l’espace, de modestes dimensions au demeurant. L’artiste sait que la beauté n’est jamais plus grande qu’assortie d’une part de risque. Mais elle est trop fine pour donner dans la facilité et jeter de la poudre aux yeux, comme quand l’art contemporain choque pour choquer.
Subtiles transformations graphiques des photographies qu’elle prend à travers son pare-brise, ses dessins affûtent nos sens et stimulent nos capacités d’analyse. Cette suractivité cellulaire s’accompagne de manifestations typiques d’une montée d’adrénaline : cœur qui bat la chamade, souffle qui s’accélère, pic d’anxiété. Mais loin de rechercher ces chambardements biologiques – une pyrotechnie physiologique ! – dans le simple but de produire une excitation, Elizabeth Patterson poursuit une plongée dans la conscience. Dans la foulée des réactions exacerbées, ses superbes conjonctions d’abstraction et de figuration ouvrent la porte à des ressentis plus complexes et plus nuancés. Alors, le calme naît de la compréhension, la sérénité découle de la contemplation du beau dans ce qu’il y a de plus minime, de plus anecdotique : cette multitude de gouttes de pluie qui rebondissent sur la vitre en un nombre encore plus inconcevable de gouttelettes, microscopiques et imprévisibles miroirs du monde environnant.

 

David Pagel
Voir en toute clarté
Préface du catalogue publié à l’occasion de l’exposition (extrait)

 

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Elizabeth Patterson’s exquisitely rendered images push viewers away from the world around us only to draw us more deeply into it. That back-and-forth—between being immersed in one reality while, simultaneously, being apart from it—takes stunning shape in her recent works on paper, each of which depicts a Parisian street scene viewed through the windshield of an automobile in the midst of a hearty downpour. Patterson isn’t interested in gentle showers or light sprinkles: drawn to extremes, she goes to work only in rainstorms that soak you to the skin if you find yourself in them, with or without an umbrella. The sudden and ample volume of water descending from the clouds overhead makes vision difficult. It’s hard to know what you’re looking at when the rain gets between your surroundings and your eyeballs, blurring contours, distorting proportions and intensifying the impact of colors, many of which glisten and shimmer with more impact than usual and some of which shine like the spotlights of theatrical productions.
The danger implicit in not being able to see clearly is amplified by the presence of motorized vehicles, whose speeds take us places and put us in situations faster than is possible without such mechanical locomotion. The intimation of danger that human animals experience whenever we are uncertain of our body’s location in relation to its immediate environment is neither the goal nor the end point of Patterson’s pictures. Instead, the hint that trouble might be lurking in the unknown—or unrecognized—is a stepping stone on the path to what Patterson is really after: the thrill of tranquility we experience when we see our surroundings with fresh eyes—as if for the first time—with the charged mixture of excitement and calm that eighteenth century philosophers sometimes described as sublime. The possibility of danger, which comes with not knowing what you are looking at, intensifies the beauty of Patterson’s delicately drawn surfaces and meticulously dissolved colors, which are nothing if not lovely, primarily because of the light that drenches them but also because of the supersaturated palette of their unnaturally luscious tints and tones as well as the abstract shapes that dance and expand across their otherwise modest dimensions. Beauty is always better when it involves some kind of risk, and Patterson is no stranger to that simple fact. She is also too smart an artist to go in for the shortsighted gimmicks or flash-in-the-pan dramatics that turn so much contemporary art into a gratuitous exercise of indulging shock for its own sake.
Her sensitive renderings of what her camera captures when she focuses its lens on the windshield of the car she is riding in sharpen the senses and stimulate the analytical capacities of our cerebral cortexes. All of that cellular activity is often accompanied by a racing of the pulse, a quickening of breath, a rush of alertness and a spike in anxiety—physical reactions fueled by an increased volume of adrenalin in our systems. But rather than pursuing such physiological hullabaloo—or biological pyrotechnics—for the thrills they deliver, Patterson dives even deeper into human consciousness. Her gorgeous conflations of abstraction and representation make room for the more complex and nuanced experiences that occasionally follow hot on the heels of such amped-up reactions: the calm of understanding and the serenity of seeing magnificent beauty in the smallest, most incidental and inconceivably numerous of things—raindrops that fall onto windows, splashing and splattering into even more inconceivably unpredictable droplets, shapes and microscopic mirrors of the world around them.

 

David Pagel
Seeing Clearly
Preface to the catalogue published on the occasion of the exhibition (extract)

MARK BRUSSE - DU 5 FÉVRIER AU 12 MARS 2016

DU 5 FÉVRIER AU 12 MARS 2016

MARK BRUSSE

LA POSE D’UN LAPIN

Très souvent on m’a demandé : « Pourquoi des crapauds, des singes, des poissons, des serpents ou des tortues ? Et pourquoi ce lapin ? »
La réponse la plus évidente est bien entendu que chaque œuvre, même abstraite, représente son auteur. Mais au delà, les animaux que j’ai choisis ont tous une puissance symbolique, comme ces animaux déjà représentés dans de très anciennes cultures, jusqu’à aujourd’hui, avec la même intention métaphorique toujours reconnaissable malgré de subtiles disparités liées aux différents modes de vie.
Tout jeune, lisant Alice au pays des merveilles, c’était le lapin blanc qui me fascinait le plus, ce « personnage » perdu, dérangeant le cours normal des choses. Les aventures d’Alice ne m’étonnaient pas autant…
Le lapin blanc est resté, et il est devenu pour moi la métaphore de ce qui est incongru et dérange la « normalité ». Apparu pour la première fois dans mes assemblages au début des années 1980, il a gagné avec le temps en maladresse, étonnement et ingénuité, et s’est imposé, avec insistance, jusque dans mes peintures récentes.

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Mark Brusse
Janvier 2016

HERVÉ DI ROSA - DU 27 NOVEMBRE 2015 AU 9 JANVIER 2016

DU 27 NOVEMBRE 2015 AU 9 JANVIER 2016

HERVÉ DI ROSA

FOUMBAN (2002-2015). AUTOUR DU MONDE. 11E ÉTAPE

« Depuis 2002, j’ai passé chaque année un mois juste avant la saison sèche à Foumban dans l’ouest du Cameroun. Considérée par les Camerounais comme la cité des Arts, elle abrite les meilleurs artisans du pays pour la sculpture en bronze, en bois, en perlages, les Bamouns, connus aussi pour leur talent comme dessinateurs ou comme copistes de tous les fétiches et masques de l’Afrique subsaharienne. Comme dans les étapes précédentes de mon tour du monde, je me suis peu à peu imprégné de leurs techniques, puis j’ai appris leur mode de vie, j’ai observé comment ils s’organisaient, leur hiérarchie, leurs modes de pensée – et son évolution suivant l’actualité internationale, enfin j’ai découvert leur histoire, leur singularité artistique, leur culture, tout cela dans l’échange et en travaillant avec eux à la réalisation de sculptures que j’avais conçues. Un tel projet, sur une durée de 13 ans, connaît bien-sûr des détours et des ratés, mais le temps permet aussi de révéler tout le potentiel des matériaux et des techniques, comme la finesse et la richesse de l’imaginaire visuel de cette région du monde.
Comme à chaque fois, j’ai adapté peu à peu mon trait aux contraintes de leurs techniques et ils ont de mieux en mieux su lire mon dessin, l’influence réciproque s’est marquée de plus en plus : mes œuvres sont devenues Bamouns ! »

 

Hervé Di Rosa
Paris, 2015

 

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ERRÓ - DU 11 SEPTEMBRE AU 31 OCTOBRE 2015

DU 11 SEPTEMBRE AU 31 OCTOBRE 2015

ERRÓ

50 COLLAGES

Avant cependant d’être un collagiste, Erró est un peintre, et c’est en peintre, en «imagier» pourrait-on dire, qu’il s’approprie cette technique [le collage] et qu’il en renouvelle le genre, au service d’une ambition quasi encyclopédique. C’est avec humour, mais non sans prétention qu’il déclare ainsi : « Il me semble que je suis comme une sorte de chroniqueur, de reporter, dans une énorme agence qui rassemblerait toutes les images du monde, et que je suis là pour en faire la synthèse. Mais, à bien y réfléchir, est-ce que Rubens travaillait autrement ? Il avait amassé à Rome un énorme matériel documentaire et il avait un nombre incroyable d’assistants. C’est un peu pareil, à cette différence près que, pour moi, tous les jours, des centaines de photographes, dessinateurs, éditeurs et autres jouent le rôle d’assistants. »

À la manière dont les maîtres de l’âge classique réalisaient des croquis préparatoires dans la nature qu’ils compilaient afin de former leurs paysages, Erró collecte les images et les assemble, considérant, dans un retournement dont il a le secret, le monde entier comme son atelier. Ce faisant, Erró se pose en témoin amusé et complice du chaos du monde, de ses travers et de ses débordements. À travers ses collages, en bon fabuliste, mélangeant allégrement histoire de l’art et politique, personnages réels et fictifs, registres du reportage, de la peinture d’histoire, de la bande dessinée, de la propagande et de la publicité, Erró décrit crûment l’histoire et ses désastres. Il est, tout comme l’ont été Ésope, Rabelais, Bruegel l’Ancien ou Jérôme Bosch, un moraliste qui fait usage de l’humour afin de mieux nous renvoyer à notre vanité.

 

Julien Zerbone
Le Banquet du monde
Préface du catalogue publié à l’occasion de l’exposition (extrait)

 

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FRANÇOIS BOISROND - DU 28 NOVEMBRE 2014 AU 17 JANVIER 2015

DU 28 NOVEMBRE 2014 AU 17 JANVIER 2015

FRANÇOIS BOISROND

DEUX BIENNALES, UNE DOCUMENTA. LYON-VENISE-CASSEL

Du 28 novembre 2014 au 17 janvier 2015, François Boisrond présente une série de peintures et de dessins sur la Documenta de Cassel 2012, la Biennale de Venise 2013 et la Biennale de Lyon 2013.

François Boisrond travaille à la fois sur le motif et à partir d’images numériques, saisies caméra au poing, au fil de prises de vues prolongées.
Par le détour du numérique, le motif est pixélisé, rappelant le divisionnisme ou le pointillisme, et la touche du peintre, ainsi renouvelée, renvoyée à un postimpressionnisme consacré où la peinture serait passée au crible de l’ère digitale.
Tradition toujours, il reprend le même sujet que les artistes des XVIIIe et XIXe siècles peignant les cabinets de curiosités, la Grande galerie du Louvre, les salons, aujourd’hui remplacés par ces grandes manifestations d’art contemporain que l’on ne verra plus. François Boisrond peint les visiteurs, regardeurs ou pas, devant des œuvres de maintenant présentées dans des espaces spectaculaires et éphémères.

 

Catalogue bilingue (français-anglais), préface de Didier Semin

 

« CES HAUTS LIEUX DE L’ART CONTEMPORAIN OFFRENT DES SUJETS RICHES ET PROPICES À LA PEINTURE. ILS SONT REMPLIS
D’OBJETS DE TOUTE TAILLE, DE MATÉRIAUX, DE COULEURS ET DE TEXTURES MULTIPLES, D’AMBIANCES DIFFÉRENTES. »

 

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ERRÓ - DU 17 OCTOBRE AU 22 NOVEMBRE 2014

DU 17 OCTOBRE AU 22 NOVEMBRE 2014

ERRÓ

RÉTRO-SPECTIF, DES MÉCAMORPHOSES AUX CHINOIS, 1959-1979

« Rétro-spectif », c’est un titre coupé en deux pour un maître du découpage, le mot scindé au milieu comme le sont certaines compositions, la ligne médiane comme une ligne de front, celle où se produit le choc entre les images, les valeurs, les croyances, les mondes. Au moment où le musée d’Art moderne de Lyon consacre à Erró une grande rétrospective (en un seul mot), les tableaux choisis pour la galerie Louis Carré se concentrent sur les vingt premières années d’une œuvre parmi les plus prolifiques et les plus endurantes qu’ait connue la peinture contemporaine. Ces morceaux choisis dans une séquence chronologique menant des « Mécamorphoses » aux « Tableaux chinois » en passant par la « Série spatiale », les « Strange Portraits » ou les tableaux « Made in Japan » – un ensemble dont la richesse ferait presque oublier les grands absents, comme la série des « Scapes » – font à nouveau retentir ce choc visuel.

La peinture est ici réamorcée, prouvant, si c’était nécessaire, que l’arme n’est pas enrayée. Plus encore, la rhétorique du collage ici exposée pourrait enseigner la méthode la plus fiable pour contrer l’assaut toujours plus violent et mieux organisé des images sur la réalité. L’œuvre peint confirme son actualité, au sens politique. Plutôt que d’invoquer les plaisirs nostalgiques accolés au préfixe, il faut donc insister sur le deuxième terme provenant du latin « spectare », en considérer l’urgence de regarder avec attention cette peinture complexe et si évidente, pour en apprécier la langue – universelle.

 

Julie Portier
La victoire (par K.-O.) de la peinture
Préface du catalogue publié à l’occasion de l’exposition (extrait)

 

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EDUARDO ARROYO - DU 12 SEPTEMBRE AU 11 OCTOBRE 2014

DU 12 SEPTEMBRE AU 11 OCTOBRE 2014

EDUARDO ARROYO

LA PAROLE EST À LA PEINTURE

« La parole est à la peinture », neuvième exposition d’Eduardo Arroyo à la galerie Louis Carré & Cie depuis le début de notre collaboration avec l’artiste en 1999, est constituée d’une trentaine de tableaux, peints entre 2012 et 2014, auxquels sont associés trois autoportraits exécutés en 2011.

Dans les salles des palais de justice, la parole est donnée alternativement à l’accusation et à la défense ; en l’occurrence, c’est à la peinture et à Paris qu’Arroyo donne la parole.
Chacun sait que l’œuvre du peintre est animé d’un perpétuel va-et-vient entre deux capitales, Paris et Madrid, qu’il est sous-tendu par des moments heureux, des périodes saturées du sentiment de l’exil – et ce, quel que soit le pays de résidence.
À l’aube du XXIe siècle, pour mieux saisir l’insaisissable, Eduardo Arroyo avait décidé de se cantonner en Espagne. Aujourd’hui, à travers cette déclaration picturale – qui n’est en rien un manifeste –, Arroyo retrouve Paris. Tandis qu’il regarde la ville où il s’est fait peintre, souvenirs et habitudes affleurent. Tour à tour, la peinture cache et révèle humour, tendresse et admiration.

 

Catalogue trilingue (français-anglais-espagnol), préface de Christian Derouet

 

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HENRI CUECO - DU 25 AVRIL AU 31 MAI 2014

DU 25 AVRIL AU 31 MAI 2014

HENRI CUECO

PAYSAGE REDESSINÉ 2013-2014

Derrière notre maison pousse ce vieux noyer dont la grosse branche latérale semble vouloir traverser l’immensité du pré.
Il était déjà vieux et sa forme insolite quand Cueco l’a dessiné pour la première fois il y a cinquante ans. Puis il l’a peint souvent, et dessiné encore et encore.
Il en est ainsi de nombreux paysages autour de cette maison.
Et comme si ces images fortes et troublantes avaient laissé dans ses mains, dans ses yeux, son inconscient, une empreinte – palimpseste – qui, alors que la mémoire se détourne et s’égare, réapparait et se déploie.

Ces dessins, très noirs et presque dramatiques, de branches, de lianes, de sols, de prés jonchés de pissenlits et de carottes sauvages, ressurgissent, se « redessinant » sous ses doigts comme s’ils étaient guidés au-delà du réel par une clairvoyance enfouie et oubliée.

 

Marinette Cueco

WANG YAN CHENG - DU 21 FÉVRIER AU 22 MARS 2014

DU 21 FÉVRIER AU 22 MARS 2014

WANG YAN CHENG

PEINTURES RÉCENTES

De nombreux poids lourds de la scène artistique chinoise contemporaine sont entrés dans l’arène de l’histoire en 1980, à la faveur d’une exposition nationale de jeunes talents organisée à Pékin. Ma première rencontre avec Wang Yan Cheng remonte à cette grande manifestation, il y a plusieurs dizaines d’années. À peine âgé de vingt ans, il venait d’obtenir un prix pour son juvénile corps à corps avec la matière picturale. À l’époque, le lauréat était encore étudiant, mais cette récompense précoce lui conféra en Chine le statut de peintre professionnel.
Au vu de ce qui était globalement intégré et admis au début des années 1980, Wang Yan Cheng représentait la sensibilité de son temps. S’agissant de la maîtrise picturale, il fallait un certain talent pour défricher un espace qui reflète l’esprit de son pays natal sous un angle non politique. Comparé à beaucoup de ses confrères, Wang Yan Cheng avait de la chance. Il semblait avoir aisément trouvé une thématique : lande sauvage, jeux d’enfants, travailleurs au repos.
La scène de l’ouverture et de la fermeture au monde extérieur a souvent été jouée dans l’histoire de la Chine moderne. À chaque fois, que la vague déferle ou qu’elle soit contenue, elle donnait naissance à une élite pétrie de culture occidentale. Dans les années 1980, face au mouvement de repli et à la violence de la réaction, beaucoup de jeunes gens, adeptes du bouddhisme, se réfugièrent dans l’ascèse. À l’approche de la dernière décennie du XXe siècle, Wang Yan Cheng atteignit la trentaine ; sa carrière de peintre existait déjà depuis près de dix ans. En se pliant aux usages, en se conformant aux règles, en exploitant inlassablement les mêmes sujets, il n’avait que peu de temps à attendre pour que son nom et son mérite soient reconnus en Chine. Mais un billet d’avion pour Paris mit un terme à cette trajectoire toute tracée.
S’appuyant sur son renoncement au monde, Wang Yan Cheng accomplit ainsi la première fugue de sa carrière d’artiste. Il connut non seulement le sort d’un étudiant immigré, mais laissa passer l’occasion de réussir dans son propre pays. Wang Yan Cheng paya le prix du peintre professionnel qui veut rester dans les mémoires : il repartit de zéro et traversa une inévitable période d’errance.
Les Chinois, en général, sont très attachés à la pratique du bouddhisme, notamment pour approfondir la voie qui mène à l’éveil. Les liens de Wang Yan Cheng avec la tradition bouddhique le conduisirent à chercher les racines spirituelles de son retrait du monde ; le rayonnement de la raison occidentale lui fournit l’occasion de parfaire sa conscience. En vérité, Wang Yan Cheng étudia les arts visuels comme s’il s’agissait d’une réflexion scientifique. Il expérimenta la méthode de quantification mathématique pour analyser Cézanne, Picasso, Rothko, tous les grands maîtres dont l’œuvre le fascinait. Sa persévérance lui permit, semble-t-il, de toucher dans l’ombre à quelques clés, d’élucider certains codes, de s’approcher des mystères de l’univers.
Le bénéfice de la première fugue de Wang Yan Cheng, pour le définir, fut d’accéder, sans échappatoire possible, au carrefour de la peinture contemporaine : une voie lui intima de dire ce qu’est la peinture, une autre l’obligea à clarifier ce qu’elle n’est pas.
L’année de ses trente-six ans, Wang Yan Cheng commença d’explorer des chemins inconnus, et là réside sa deuxième fugue. Cette fois, ce ne fut pas à son pays natal qu’il fit ses adieux, mais à l’art figuratif.
L’origine de la fugue de Wang Yan Cheng tenait soit à ce qu’il fût conscient de la nature profonde de la peinture contemporaine et qu’il voulût aller de l’avant, soit à ce qu’il eût décidé, dans une folle inconstance, de s’exposer au danger. Lorsqu’il choisit de porter ses efforts vers l’abstraction, à l’instar de Yu Gong qui déplaça le mont Wangwu, Zao Wou-Ki et Chu Teh-Chun se dressèrent devant ses yeux, telles deux montagnes gigantesques. Ses illustres prédécesseurs avaient, eux aussi, étudié la peinture en Chine avant de venir en France accomplir leur métamorphose. Tous deux s’étaient voués à l’abstraction ; tous deux avaient atteint à l’excellence dans leur art. Certains s’inquiétèrent alors que Wang Yan Cheng nourrisse envers eux tant de vénération, craignant qu’il les imite servilement. D’autres, confiants en son succès, comprirent qu’il devait viser haut s’il voulait obtenir quelque résultat.
La différence entre la première fugue et la deuxième tient au laps de temps qui s’était écoulé et aux repères figuratifs qui perduraient encore dans ses œuvres, malgré la tendance à l’abstraction. Certains signes noyés dans le flux abstrait évoquaient parfois ouvertement des poteries chinoises. Peut-être, dans le subconscient de Wang Yan Cheng, leur fragilité reflétait-elle son attachement au figuratif : il redoutait de les briser tout en ayant envie de le faire.
Ces vases finirent bien sûr par disparaître, et la deuxième fugue dépassa radicalement le figuratif. En amendant l’intérieur et l’extérieur, Wang Yan Cheng affermissait son caractère confucéen.
La pâte devint de plus en plus simple et généreuse, la touche plus maîtrisée, la pensée plus foisonnante. Au-delà de sa fugue vers l’abstrait, l’œuvre de Wang Yan Cheng poursuivait sa trajectoire. Une expression pleine d’assurance proclamait son langage visuel ; la palette montrait une résolution héroïque et sublime, car « sans retour est le voyage du preux » (Jin Ke) ; l’inspiration traduisait la solitude de l’imaginaire, car « personne n’attend à l’orient de Yangguan » (Wu Wei). Et c’est dans la grandeur tragique de la création que resplendit « l’homme fait » (Confucius), tout pénétré de compassion envers l’errance de ce monde.

Dès lors, Wang Yan Cheng persista dans sa voie. De fait, aux environs de cinquante ans, il entama une troisième fugue – peut-être fut-ce une récurrence de l’harmonie entre l’homme et la nature. Elle ne donna pas lieu à une séparation déchirante, mais excéda toute mesure, comme au sortir d’un rêve. Nul besoin de choisir entre ceci ou cela, tout devint aussi naturel qu’un vent printanier qui apporte la pluie – un peu de quiétude et d’abnégation dans un environnement de paix. Cette sagesse d’Orient, que l’on nomme le « Dao », lui procura, semble-t-il, la félicité.
Au fil de cette fugue du milieu de son âge, l’œuvre de Wang Yan Cheng fut comme lavée par une brise au printemps : les gradations de pigments augmentèrent, la pâte perdit en épaisseur, la touche et le dessin devinrent plus vigoureux, la vision s’assouplit en s’harmonisant. La tension interne des œuvres, simples en apparence – certains éléments disparurent, d’autres s’ajoutèrent – les sublima vers d’autres frontières.
Dans la série de tableaux qu’il produisit par la suite, Wang Yan Cheng exposa sa vision du monde – tantôt Yin, tantôt Yang – qui unit l’homme aux éléments et s’enracine dans le Dao. En tant que peintre, il se tient fermement dans la beauté des choses, « flânant avec aisance » (Zhuangzi) parmi les signes de la nature ; en tant qu’homme, il s’égare dans les courants impétueux de l’époque, cherchant à s’en détacher. Ainsi, deux formes de puissance se décèlent dans la troisième fugue de Wang Yan Cheng : la succession ininterrompue des tensions naturelles, la résistance intérieure dans l’expectative.
Si l’on considère que le savoir ne peut vaincre le doute, étudier la voie, au cours d’une autre fugue, suffirait-il à atteindre l’immortalité ? Observons la relation que Wang Yan Cheng a nouée avec son temps. Bien que, pour nos contemporains, la création permette de dépasser les contingences, l’artiste lui-même ne saurait s’affranchir des contraintes de l’époque. La peinture de Wang Yan Cheng, son coloris, sa composition, son espace, le souffle qui l’anime, n’échappent pas aux vicissitudes du moment et aux traces qu’elles laissent sur leur auteur.
Les trente ans durant lesquels Wang Yan Cheng exerça son métier de peintre coïncident avec trente années sans crise dans l’histoire chinoise. Au cours de cette période, certains soupirèrent après l’abondance matérielle, d’autres se réjouirent de la renaissance culturelle, d’autres encore se lamentèrent ou exultèrent de la décadence morale, y voyant une preuve de la justice universelle. Pendant son séjour en France, Wang Yan Cheng transforma peu à peu sa manière, mais il ne renonça jamais à cultiver le vide de l’atmosphère et de l’espace dans le paysage chinois. Parmi les multiples tendances de l’art actuel, en perpétuel bouleversement, on constate la place de plus en plus importante qu’occupe l’art chinois. Pour Wang Yan Cheng, si l’élément oriental est en éveil, si l’esprit traditionnel est ravivé, c’est qu’il devait en être ainsi. C’est pourquoi l’intention première de la fugue est l’idée de régression – la vérité substantielle du reflux. Chez Wang Yan Cheng, la distance à parcourir importe peu ; à la fin, les forces convergent vers une nouvelle et complète sublimation. Et quel que soit le courant où vous le classerez, l’étiquette que vous lui apposerez, son œuvre restera debout.
Si l’on tient que la deuxième fugue de Wang Yan Cheng avait pour but de se défaire des entraves de la composition, la troisième visait alors à se libérer de la libération elle-même.
Avec ces fugues répétées, la Chine perdit à jamais un peintre réaliste dont les paysages du Shandong étaient la marque et les scènes d’enfants le modèle, mais le monde gagna un artiste abstrait chez qui le poids culturel est le fond, et le dépassement de l’existence la note dominante.
À l’issue de l’exposition de 1980, où je m’étais rendu en tant que visiteur, je n’aurais pu définir pourquoi Wang Yan Cheng avait obtenu le prix, mais je me souviens des circonstances dans lesquelles je le rencontrai à Paris, plus de vingt ans après.
Comme nous parlons la même langue maternelle, que nous avons choisi le même pays étranger et habitons la même ville, j’ai souvent l’occasion, depuis plus de huit ans, de le côtoyer et de m’entretenir avec lui, mais en tant que journaliste et observateur de l’époque, non comme un collectionneur, encore moins en qualité de critique ou de marchand, de sorte que je n’ai pas le moindre scrupule à parler de ses expériences passées ni à faire des considérations subjectives. En outre, mes propres yeux furent témoins de l’intérêt que suscite chez ses jeunes élèves ce que j’appelle « sa troisième fugue ». J’ai eu l’honneur, enfin, de recevoir une invitation de l’artiste lui-même qui prit son pinceau pour y tracer quelques caractères.
En fait de conclusion, je livrerai l’ébauche d’un distique sur ce que je retiens de Wang Yan Cheng :
Sonder le Ciel par la voie de l’homme, l’abstraction, la figure ;
Disperser ses désirs par le recueillement, l’éveil, la vérité, le vide.

 

Zhong Cheng

Wang Yan Cheng, l’art de la fugue

(Préface du catalogue publié à l’occasion de l’exposition)

 

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HERVÉ DI ROSA - DU 25 OCTOBRE AU 30 NOVEMBRE 2013

DU 25 OCTOBRE AU 30 NOVEMBRE 2013

HERVÉ DI ROSA

PASAJE LOS AZAHARES, 41003 SEVILLA. AUTOUR DU MONDE, 18E ÉTAPE

La vie est, comme on dit, bien trop courte et le monde bien trop vaste – et tant de choses sont à voir. L’art est un interrogatoire étrange, sorte de confrontation interrogative. Ces trois clichés sur la vie, le monde et l’art nous aident à voir dans l’œuvre d’Hervé Di Rosa une sorte de story-board qui se déroulerait sous nos yeux, un roman d’apprentissage à partager avec chacun ! Nous sommes, avec Di Rosa, face à une production prolifique – prolixe diront certains ! Mais l’amplitude et l’ouverture de son œuvre doivent être entendues comme le fondement de sa vision artistique, et plus fondamentalement encore de sa vision de la vie, qu’il envisage clairement comme une aventure […].
Depuis le début des années quatre-vingt, il a été aux premières lignes de nombreuses années de création et d’évolution linguistique permanente, a participé à la Figuration libre à l’origine d’un bouleversement majeur dans la façon dont elle a absorbé le Pop Art et l’Art brut ; il a navigué à travers la bande dessinée, la télévision, le théâtre, créé son propre magazine. Cela aurait pu suffire pour un jeune artiste, à ceci près que le besoin de changement – qui lui ne change jamais tout au long de notre vie – était partie intégrante de la construction physique et psychique de Di Rosa.
Insuffisant donc pour Hervé, qui entreprit en 1993 un voyage autour du monde, aujourd’hui à sa dix-huitième étape. Aucune logique ne préside à ce motif frénétique du mouvement et on ne s’étonnera pas que Di Rosa ait produit en collaboration avec Enrico Baj une série d’illustrations pour un texte de
Jules Verne ! C’est un voyage qui répond à un intérêt pour les techniques plutôt que pour les lieux, et qui n’a, bien sûr, rien à voir avec le tourisme.

Il s’agit pour lui de travailler avec des artisans locaux qui possèdent un savoir-faire, un savoir traditionnel personnel d’un ensemble de techniques, auxquelles il veut avoir accès, et de se mêler à la population locale. Hervé n’a pas d’attachement particulier pour le pays en lui-même, mais pour les spécificités du lieu ; il ne cherche pas la couleur locale ; il ne cherche pas à recouvrer ni à préserver des techniques artisanales ni à attirer l’attention sur leur possible disparition. Il a la certitude qu’elles survivront d’une manière ou d’une autre, même si c’est sous une forme radicalement différente (par épuisement des matériaux d’origine, perte de la fonction rituelle ou absorption et reconversion des objets en objets destinés à l’industrie touristique).
« Je déteste le tourisme, note-t-il, on n’y voit jamais rien. Quand je me déplace, c’est pour travailler un certain temps avec des personnes, pour prendre contact avec elles. Nous ne voyons pas assez de l’immense production artistique, artisanale et traditionnelle de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine. Pendant trente ans, j’ai voulu être capable de cela : appartenir à une sorte de communauté d’artisans ou d’ouvriers. Le travail de la nacre au Vietnam, la terre cuite au Mexique, les peintres d’enseignes au Ghana, les tisserands à Durban, les bronzes à Foumban… Finalement, les œuvres ne sont que ce qui reste, les scories du projet artistique. Le véritable projet est de comprendre une façon de faire. Je veux que la pratique de l’autre intervienne dans mon propre travail, transforme mes propositions. » […]

 

Kevin Power

(Extrait de la préface)

 

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HERVÉ TÉLÉMAQUE - DU 13 SEPTEMBRE AU 19 OCTOBRE 2013

DU 13 SEPTEMBRE AU 19 OCTOBRE 2013

HERVÉ TÉLÉMAQUE

PASSAGE ET AUTRES (1970-1980)

Cette exposition présente une quinzaine d’œuvres réalisées entre 1970 et 1980, sélectionnées avec l’artiste.

Avec la même rigueur et la même précision, depuis 20 ans, la galerie Louis Carré & Cie poursuit son déroulé de l’œuvre de Télémaque.
Après avoir traversé différentes périodes – surréaliste, pop, les combine paintings –, les années 1970 illustrent ce que l’on peut appeler le « Pop français ». Le parti-pris de la galerie pour cette exposition est clair : présenter les toiles de 1970 à 1978 et laisser pour un prochain rendez-vous les collages de 1973-1974, puis au delà de 1977, les Selles et les Maisons rurales.

L’exposition « Passage et autres (1970-1980) » débute par le minimalisme des objets paradoxaux, les cannes blanches de Saint-Hervé, les sifflets, les parapluies, les ciseaux, diverses toiles de tente ou de voile, tous ces objets étant autant d’invitations à suivre une marche plutôt qu’à stopper net.
C’est le moment choisi par la critique française d’enrouler cette nouvelle vague figurative sous la bannière de « Figuration narrative ». Chez Télémaque, ce serait un raccourci réducteur, il est “pop surréalisant” de 1970 à 1971, il s’engage dans une figuration critique, voire même politique de 1972 à 1973, et il termine par une figuration baroque de 1974 à 1977. Si l’objet est toujours l’instrument du tableau, l’on passe du duo au trio, du quatuor à l’orchestration, en progression crescendo de 1970 à 1978.

L’épiscope est définitivement remisé, il est l’outil d’asservissement. La palette va se complexifier, les formes vont s’enrichir grâce au dessin mieux maîtrisé, s’appropriant même la ligne claire chère à Hergé. Cela nous vaut quelques pièces magnifiques, les Passages, tous de format identique, 120×60 cm, une série qui se mérite, les Suites à Magritte (cinq tableaux qui se terminent par La Rosée), la série des Larges avec les voiles et les toiles de tente, et enfin les tondos qui mêlent les expériences proches (Hervé Télémaque vit alors dans une ferme du Berry), les expériences lointaines lorsque l’on retrouve les allusions aux racines haïtiennes. Une constante chez Télémaque, une œuvre sans répétitions, un questionnement permanent sur la vie et le rôle de l’artiste : à découvrir ou redécouvrir sans modération.

OLIVIER DEBRÉ - DU 6 JUIN AU 12 JUILLET 2013

DU 6 JUIN AU 12 JUILLET 2013

OLIVIER DEBRÉ

PEINTURES NOIRES

Olivier Debré, dont les premières approches de l’abstraction datent de 1943, va de la libération de Paris jusqu’à la fin de 1947 utiliser presque uniquement le noir et le blanc.

 

Il peut paraître paradoxal pour un coloriste aussi constant et subtil que le fut Olivier Debré de parler de peintures noires. Pourtant, le jeune peintre, dont les premières approches de l’abstraction datent de 1943, va de la libération de Paris jusqu’à la fin de 1947 utiliser presque uniquement le noir et le blanc, avec leurs nuances de gris pour dire le deuil d’une civilisation qui, avec la Libération, vient de découvrir l’horreur des camps de concentration et de la « solution finale ».
Deux facteurs furent déterminants pour orienter ainsi le travail du jeune peintre : une famille pleinement impliquée dans la résistance et la rencontre de Picasso – dont il avait découvert Guernica lors de l’exposition universelle de 1937 – qui l’invitera à venir voir ses œuvres récentes dans l’atelier de la rue des Grands-Augustins.
Se succèdent alors quantité de peintures sur papier dont les titres – Le Mort de Dachau (collection du Centre Pompidou), L’Otage, Les Deux pendus, Le Mort et l’assassin, Signe sourire nazi, Le Sourire sadique… – soulignent le contexte et la révolte qui ont donné naissance à ces grandes feuilles traversées de larges traits de pinceau chargé d’encre et de gouache noires et qui pour la plupart étaient restées inédites.
C’est cette épreuve, ce deuil de la couleur qui permettra à Olivier Debré de devenir à l’hiver de 1947, en découvrant les œuvres de Lanskoy, à son tour un maître des rapports colorés.

Depuis dix ans que la galerie Louis Carré défend l’œuvre d’Olivier Debré, « peintures noires » sera la 4ème exposition de l’artiste après « Olivier Debré. Peintures » en 2003, « Formes informelles » en 2009, « Les années cinquante » en 2011, et deux expositions personnelles en 2004 et 2005, au 8e Pavillon des Antiquaires et des Beaux-Arts et à la Fiac.
L’exposition présentée du 6 juin au 12 juillet montrera une quarantaine d’œuvres sur papier en noir et blanc, des encres et des gouaches, toutes exécutées entre 1945 et 1947.
Cet ensemble inédit et historique est donné au regard des amateurs pour la première fois.

 

Catalogue bilingue (français-anglais), texte de Daniel Abadie

MARK BRUSSE - DU 29 MARS AU 27 AVRIL 2013

DU 29 MARS AU 27 AVRIL 2013

MARK BRUSSE

SOMETIMES I WONDER. PEINTURES, ASSEMBLAGES, COLLAGES (2010-2012)

« Sometimes I wonder, Peintures, assemblages, collages (2010-2012),  une exposition qui montre trois différentes façons de m’exprimer dans mon travail, la peinture sur papier hanji, l’assemblage et le collage. »

 

Pour Mark Brusse, chaque discipline témoigne de son attachement fort aux différents matériaux qu’il emploie.
Pour ses peintures il utilise le papier hanji qui, une fois mouillé, absorbe la peinture comme une fresque. La fluidité des pigments, obtenue après dilution dans l’eau, lui permet d’exprimer le presque insaisissable, des choses à peine entrevues, presque irréelles, mais toutefois présentes.
Les collages sont composés de divers papiers, souvent trouvés dans les rues des pays où il séjourne : papiers d’emballage, photos de journaux, notes manuscrites, dessins d’enfants. Réalisés à partir d’une idée très précise, ils témoignent aussi parfois d’une actualité qui l’a profondément marqué.
Les sculptures-assemblages sont également constituées de différents matériaux, comme le bois, brut ou peint, le verre, le textile, etc. qu’il assemble pour créer une relation, une communication, voire une tension, tension renforcée par l’opposition des matières : solide-fragile, dur-mou…
La peinture, l’assemblage et le collage sont autant de façons de « raconter mon histoire, dans un autre langage, d’échapper à une routine, la répétition, bref, l’ennui ».

HENRI CUECO - DU 7 DÉCEMBRE 2012 AU 19 JANVIER 2013

DU 7 DÉCEMBRE 2012 AU 19 JANVIER 2013

HENRI CUECO

CRAYON SUR TOILE FINE

Gris, blancs, noirs, dans ce nouvel atelier blanc, des dessins, comme de petites peintures, au crayon sur toile fine très blanche. Ils reprennent sur des petits formats, aussi précis, aussi profus, les thèmes des dessins sur grand papier des années quatre-vingt : les dessins faisaient alors deux mètres de haut par deux, jusqu’à treize mètres de long.

Petits formats, domestiques et intimes, petits paysages mais denses et riches, repris et assemblés indéfiniment. Ce sont des prés, les chemins de prés, la haie, les troncs d’arbres, les tas de feuilles, des feuilles en feu, les sols secs, des moutons ou des vaches couchées ou en grappes, autant de visions et d’espaces vus de l’atelier, d’une nature recomposée dans le gras du crayon noir.

 

Henri Cueco
Novembre 2012

EDUARDO ARROYO - DU 26 OCTOBRE AU 1ER DÉCEMBRE 2012

DU 26 OCTOBRE AU 1ER DÉCEMBRE 2012

EDUARDO ARROYO

LA LUTTE DE JACOB ET L’ANGE

[…] La fresque de Delacroix est un combat dans les règles, semblable à la boxe. C’est une lutte qui devient une danse d’athlètes, d’hommes enlacés dans un corps à corps baigné de sueur, une étreinte réglée par des normes dont il faut tenir compte ; ce sont les figures d’un tango qui dure toute une nuit au gué du Jaboc, rythmées par les stridulations aiguës des grillons et le doux ronflement du torrent bouillonnant, accompagnées de la luminescence des vers luisants. […] Trois chênes immenses ombragent la scène du pugilat et surgissent du centre de la terre pour combattre entre eux, enlacés. «Retire-moi de la boue ! Que je n’y reste pas enfoncé».
Les pieds des rivaux s’appuient sur le sol ferme, sous la mousse, sous la fine couche de ce tapis de quelques millimètres d’épaisseur où les verts et les marrons se mélangent.

Et la peur du peintre se révèle, il craint qu’à force de chercher des couleurs, des tons, des glacis, la matière de la peinture devienne boue, fange, vase pestilentielle. D’un côté Jacob attaque l’Ange, de l’autre Delacroix lutte contre la peinture tout en sachant qu’il perd peu à peu cette bataille quotidienne contre les verts : vert Véronèse, vert bouteille, vert mer, vert-noir, et dans l’obscurité croît le poison du vert-de-gris.

 

Eduardo Arroyo
La Lutte de Jacob et L’Ange
(Extraits)

 

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ERRÓ - DU 7 SEPTEMBRE AU 20 OCTOBRE 2012

DU 7 SEPTEMBRE AU 20 OCTOBRE 2012

ERRÓ

TRENTE TABLEAUX CARRÉS POUR LA GALERIE CARRÉ

Et si les images aujourd’hui n’étaient plus des images mais la réalité, celle-ci n’aurait plus désormais d’autre rôle que de leur servir de support, comme la toile sert de support à la peinture et, sous elle, se laisse oublier. Ainsi, tout comme on ne voit pas la toile quand on regarde la peinture, on ne voit pas davantage la réalité depuis que la recouvrent les divers produits de ces appareils qui, à force de perfectionner et de banaliser la prise de vue, font que leurs artifices sont plus présents que leurs sujets. La réalité n’est-elle pas d’ailleurs encombrante dès qu’elle tente de revenir au premier plan ? Il suffit d’observer le comportement général pour constater que la majorité de nos contemporains interposent à tout propos leur portable entre leurs oreilles, leurs yeux et le monde. Chacun d’eux photographie tout et n’importe quoi à commencer par les visages qui ne sont déjà plus qu’un souvenir dans l’instant même de leur rencontre. Il est vrai que l’image se conserve plus facilement que la chair, de telle sorte qu’elle est préférable à tout ce qu’elle représente, et qui est l’universel.
A-t-on remarqué que, dans ce choix, c’est toujours la frontalité qui l’emporte si bien qu’elle nous habitue à ne considérer que la face. L’attrait de la face nous dissimule que les images sont plates et qu’elles ne doivent leur pouvoir d’évocation qu’à des contours chargés d’assurer la ressemblance. Très vite et par conséquent, nous confondons la ressemblance et la réalité. L’acte de reconnaître fut d’abord une réflexion qui déclenchait la pensée : il se contente à présent de déposer un nom, c’est-à-dire une étiquette qui légende l’image et la replie sur elle-même en la confirmant. Peu à peu, l’image est devenue son propre sens tandis que son insertion dans un flux médiatique continu lui permettait d’occuper tout le regard et, par lui, l’espace intérieur réduit à sa platitude. Résister à cette occupation, puis la combattre est maintenant la fonction de l’image faite à la main contre l’image faite à la machine.

Le Pop Art, fut-il critique ou complice à l’égard de la domination des images ? La distance historique ne lève pas l’ambiguïté d’une position qui célèbre et démonte également. La Figuration narrative fut plus clairement critique, sans doute à cause de l’engagement politique de certains de ses membres, mais le temps ayant passé, elle incarne surtout la rupture avec l’abstraction et l’École de Paris. Ce fut le point de rencontre et de départ de quelques grands peintres : l’importance de leur œuvre individuelle fait oublier ce qu’ils eurent en commun vers la fin des années cinquante et le début de la décennie suivante. Reste qu’apparaît alors le plus grand brasseur d’images que la peinture ait jamais connu, quelqu’un qui est à soi-même son propre et perpétuel manifeste tant son énergie ne cesse de relancer sa fureur créatrice, et cela sans discontinuer depuis plus d’un demi-siècle : Erró est le nom de ce phénomène.

 

Bernard Noël
Changer la vue… (extrait)

 

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FRANÇOIS BOISROND - DU 11 MAI AU 30 JUIN 2012

DU 11 MAI AU 30 JUIN 2012

FRANÇOIS BOISROND

PAR PASSION

Passer de la peinture au cinéma est une gageure, si tentante que d’innombrables cinéastes s’y sont risqués, avec des bonheurs divers. Godard a eu l’intelligence de comprendre que la citation brute, telle quelle, était rarement intéressante, et qu’il était bien plus fécond – même en s’inspirant de tableaux finis depuis longtemps et devenus célèbres – de se mettre dans la posture de celui qui fait le tableau, qui l’invente et le réalise. Le «tableau vivant» est un genre douteux, mais Godard le distord et le détourne, il reconstitue, il décompose et recompose, il ajoute ici, retranche là, décale et varie, bref se met dans la peau d’un peintre second qui doublerait le premier.
Passer du cinéma à la peinture est une gageure encore plus improbable. Si le cinéaste peut à la rigueur mimer quelque chose du geste du peintre, le peintre ne peut avoir affaire qu’au film terminé, ou alors à cet ensemble de mythes superficiels qu’on appelle «le cinéma». François Boisrond a parfaitement reconnu ces apories, et sait qu’il n’y a pas de demi-mesure possible : pour faire, à partir d’un film, quelque chose qui soit vraiment de la peinture, il faut littéralement opérer une transmutation – et pour commencer, renoncer à traduire quoi que ce soit de la durée, laquelle appartient exclusivement au film. Chercher autre chose : le geste, la figure, la lumière, la chair, la chair surtout. Je reviens aux études de la jeune femme en train de s’asseoir : ce sont des prélèvements dans un
mouvement simple, qui dure peu ; chacun de ces prélèvements fige un instant de ce geste banal qui consiste à poser les fesses sur un support en gardant le dos droit. Mais dans la brève durée de ce geste, tout bouge incessamment, cela change de forme sans arrêt ; les études de Boisrond sur le dos de cette femme, qui depuis est devenue la sienne, regardent avec passion le jeu du corps, ses reliefs, sa texture, sa couleur, et pour mieux le regarder, l’arrêtent.
L’expérience normale d’un film consiste à le voir projeté sur un écran blanc en étant assis dans le noir. Mais de cette expérience-là, que peut faire le peintre ? La transposer, en fixer le souvenir évanescent, peindre des souvenirs de spectateur de cinéma, comme le fit Monory – mais jamais accéder au film lui-même, aux gestes précis qu’il a fallu au cinéaste pour figurer par exemple un corps nu qui s’assied.

Ce sont ces gestes que justement François Boisrond veut retrouver, et pour cela il a eu la simple et extraordinairement féconde intuition qu’il devait recourir à un intermédiaire (un «médium») : la reproduction du film sur DVD. La reproduction numérique d’un film, avec tous ses inconvénients (la fameuse «froideur» souvent reprochée au numérique par les thuriféraires de la pellicule), offre l’énorme avantage d’être traitable. On peut arrêter sur n’importe laquelle des vingt-quatre images (devenues vingt-cinq) de n’importe quelle seconde ; on peut, sur l’écran d’un ordinateur devenu table d’expérimentation, analyser plastiquement cette image arrêtée, y découvrir le jeu des couleurs, des valeurs, défaire l’image automatiquement analogique, y définir des strates, des champs, des teintes, des saturations : bref, la ramener lentement vers un état visuel autre, qui en fasse un objet propice à l’action du peintre.
Il y a dans cette série de peintures, et plus clairement que tout dans les études du modèle au dos nu, une réflexion que son caractère apparemment bricolé n’empêche pas d’être profonde. La représentation occidentale n’a jamais eu d’autre véritable objet que le corps humain, c’est un théorème esthétique et presque métaphysique (un paysage, c’est la phusis contrainte à mimer un corps) ; quant au cinéma, s’il se prend au sérieux en tant qu’art visuel, il doit se reconnaître héritier de ces siècles d’expérimentation sur la représentation des gestes et la figuration des chairs, en peinture puis en photographie (voire en chronophotographie). Ce que fait Boisrond, c’est remonter, d’un film de cinéma, à cette stratigraphie culturelle : retrouver, sous le lisse apparent d’une simple image de film captant une ou deux secondes d’un modèle nu qui s’assied, la magie de toute décomposition de mouvement, et le mystère de la couleur photographique. Arrêtée, figée, décomposée en ses instants constitutifs, et aussi, analysée en ses composantes chromatiques et lumineuses, l’image est prête à redevenir peinture.

 

Jacques Aumont
Le dernier coup de pinceau (extrait)

 

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JEAN-JACQUES LEBEL - DU 16 MARS AU 28 AVRIL 2012

DU 16 MARS AU 28 AVRIL 2012

JEAN-JACQUES LEBEL

RECYCLER, DÉTOURNER

Guy Scarpetta :
Commençons par la question du racisme. Ce qui me frappe, dans ce que tu présentes aujourd’hui, et dont j’avais vu plusieurs éléments dans ton atelier en Normandie, c’est que tu saisis le problème au niveau des représentations collectives, des stéréotypes et des clichés diffusés par la publicité (les étiquettes de bouteilles de rhum, les pubs successives pour Banania) que tu mets en relation avec les sous-produits commerciaux de l’art nègre, ces objets dégradés, industriellement débités, dont Resnais et Chris Marker avaient dénoncé l’imposture dans leur remarquable film, Les Statues meurent aussi. Un film, soit dit en passant, où celui qui incarne l’ignominie du pouvoir colonialiste est le ministre de la France d’outre-mer de l’époque, un certain François Mitterrand… C’est sans doute ce qui a valu à ce film d’être censuré, à la télé, pendant quatorze ans…
Jean-Jacques Lebel :
J’ai toujours été ultra-sensible au racisme. Regarde, par exemple, dans cet assemblage, où j’ai mis la publicité pour un rhum martiniquais… Qu’est-ce que tu vois ?
Guy Scarpetta :
Une femme noire, très belle, avec quelque chose, autour du cou, qui ressemble à une chaîne…
Jean-Jacques Lebel :
C’est en effet le cliché de la magnifique et sensuelle femme martiniquaise, fière de son ascendance – ses ancêtres ont été achetés à des chefs tribaux en Afrique, revendus à des marchands d’esclaves arabes, et amenés de force aux Caraïbes par ces négriers français qui faisaient commerce de « bois d’ébène », à Bordeaux et à Nantes, appartenant au milieu bourgeois et commerçant qui s’est obstinément opposé, et de toutes ses forces à l’abolition de l’esclavage… C’est ce passé et ce présent colonialiste de la France qui remonte à la surface dans cette image de femme martiniquaise charmante, porteuse d’une chaîne en or devenue bijou exotique… Ceux qui doivent s’insurger contre tout cela, ce ne sont pas seulement les descendants d’esclaves et des colonisés, c’est toi et moi. C’est nous tous qui vivons dans une société qui prône les « valeurs » (sic) de la démocratie et de la fraternité mais qui continue de pratiquer et de reproduire massivement du racisme, au quotidien, dans le champ culturel et social.
Guy Scarpetta :
Comment Frantz Fanon, à ce propos, est-il intervenu dans ta vie ?
Jean-Jacques Lebel :
En 1959, alors que je militais contre la « sale guerre » d’Algérie, c’est mon copain Édouard Glissant, qui avait des contacts avec le FLN, qui m’a fait lire Fanon. Tout ce que dénonce Fanon de l’aliénation liée à la situation coloniale sonne juste. Je connaissais évidemment ce poème de Senghor, où il évoque le sourire de la pub « Y’a bon Banania » affiché sur les murs à Paris, grimace qu’il désire effacer… Mais déjà, dans mes incursions hebdomadaires aux Puces avec André Breton, j’avais ramassé certaines publicités pour Banania, le « petit-déjeuner familial » (sic). Les premières remontent à 1905-1906, mais c’est avec la guerre de 14-18 que l’insulte raciste se précise et se transforme, au moment précis où le gouvernement de la France, de façon systématique, envoie au massacre des régiments entiers de « tirailleurs sénégalais » (des dizaines de milliers sont morts non « pour la Patrie », mais pour « leurs » maîtres négriers, et les colonisés survivants n’ont même pas obtenu de pension correcte). La publicité Banania, alors, devient un moyen qui prétend leur rendre hommage tout en les rabaissant : sur cette pub, le Noir est « gentil », avec un sourire bon enfant, et il parle petit-nègre : « Y’a bon, Banania !… » Cette pub a évolué, par la suite, l’image du tirailleur sénégalais s’est stylisée, parfois l’infâme « Y’a bon » disparaît, puis le slogan revient, ou alors il n’en reste que le sourire ou la chéchia… Enfin, dans les années soixante, le protagoniste n’a plus de bouche, ni pour gueuler ni pour bouffer. J’y vois un rappel terrifiant et symptomatique de ce qu’au Bénin, à l’époque de la traite, lorsque les esclaves étaient embarqués à fond de cale pour le voyage transatlantique aux Amériques, ils étaient non seulement enchaînés mais bâillonnés, de façon à ce que leurs cris de rage et de révolte soient inaudibles. Ce n’est qu’après Mai 68 que l’effigie du tirailleur sénégalais disparaît pour toujours, de même que le « Y’a bon… » Mais entre-temps, un tas d’autres clichés racistes banalisés ont circulé au quotidien et j’en ai convoqués plusieurs, non pas verbaux mais visuels, omniprésents.
Guy Scarpetta :
On pourrait aussi évoquer ces « expositions coloniales », dans les années trente, où l’on exhibait encore les Noirs comme des sortes d’animaux sauvages…
Jean-Jacques Lebel :
Évidemment ! … Mais j’ajouterais que ce n’était pas seulement le fait des fascistes, ou des petits-bourgeois ouvertement racistes. On trouve cela jusque dans Valori Plastici, la revue des artistes d’avant-garde italiens qui au lendemain de la Première Guerre mondiale vilipende le « négrisme » (sic) sous la plume de Carlo Carrà. Il prétend rejeter l’impact de l’art nègre qui a pourtant revitalisé la peinture occidentale et donné naissance au cubisme. Le poison raciste est en pleine action au début de l’ère fasciste. Il est partout, y compris à gauche.
Guy Scarpetta :
Oui, c’est un racisme que l’on peut trouver là où l’on s’y attendrait le moins. Je pense à un intellectuel marxiste comme Lukács, par exemple, lorsqu’il reproche aux « avant-gardes » de mettre sur le même plan « l’art plastique des nègres et Phidias, les dessins d’aliénés mentaux et Rembrandt », si ce n’est de « privilégier les premiers » (on trouve ça dans Problèmes du réalisme).
Jean-Jacques Lebel :
Tout cela a explosé publiquement, avant même l’apparition de l’infâme slogan publicitaire Banania, lorsqu’ont débarqué en France, mobilisés dans l’armée française, de très nombreux colonisés d’origines africaine, maghrébine, asiatique. La paranoïa sexuelle – moteur fantasmatique originel du racisme – s’est manifestée aussitôt dans le tissu très conservateur, très réac et très catho de la France profonde et, bien sûr, dans la propagande adverse aussi. Les partisans du Kaiser ont crié à « l’invasion des barbares », des « violeurs », des « sauvages ». La presse militariste allemande s’est déchaînée contre les Africains. J’ai des cartes postales dites « patriotiques » datant de 1915, postées dans les Alpes Maritimes ou ailleurs, où l’on voit un tirailleur sénégalais (chéchia rouge, grosses lèvres) qui botte les fesses du Kaiser et de l’Empereur d’Autriche en criant : « Un bon coup de balai ! Avec Turco ya pas bon ! » Tantôt un garçonnet africain déguisé en zouave, tenant un fusil et déclarant : « Joffre ti content ! Moi tuer beaucoup Boches. » Ou encore un zouave noir faisant prisonnier un soldat allemand (violeur et pilleur) : « Sidi Prusco! Turcoto bono! » Voilà le charabia raciste préexistant que la pub Banania a exploité à fond.
Dans La honte noire (éditions Hachette Littératures, 2003), Jean-Yves Le Naour a relevé bien d’autres exemples prétendument drolatiques mais, de fait, ignominieux du même stéréotype langagier insultant. Il cite même un numéro du quotidien l’Humanité, daté du 14 juillet 1913, qui publie un « dessin humoristique » (sic) qui représente un Noir s’approchant d’une femme blanche avec des intentions malhonnêtes (sic) : « Li veut la moukère » Voilà désigné le pot aux roses sexuel ! À gauche comme à droite, l’épidémie de paranoïa a donc fait des ravages et le parler petit-nègre a fait florès. La pub Banania a surfé sur cette vague répugnante. Et ça continue aujourd’hui, y compris dans la langue officielle, dans un certain Discours de Dakar qui déshonore celui qui l’a proféré.
Voilà pourquoi j’ai voulu aller regarder de plus près le fonctionnement de cette imagerie infantile, infantilisante qui donne forme, à cor et à cri, à la terreur à la fois sexuelle et sociale des « petits blancs » de la France profonde, ceux qui votent pour l’extrême droite raciste, comme ceux qui se prétendent immunisés contre la haine raciale mais qui, au fond, sont mus par la même paranoïa terrorisante produite par leurs propres fantasmes.
La série de travaux que j’ai consacrée depuis une trentaine d’années à cette question relève autant de l’anthropologie sociale que des arts plastiques, de la sémiologie que du collage d’inspiration néo-dadaïste. J’ai cherché à démonter la grammaire visuelle et les codes linguistiques de l’idéologie raciale. En réalité, j’ai toujours travaillé sur les non-dits ou les mi-dits du discours culturel dominant, sur la guerre qui en permanence oppose tout artiste, tout poète, tout citoyen digne de ce nom aux idéologies esclavagistes. Si mon exposition de 2009 à La maison rouge a eu pour titre « Soulèvements », ce n’est pas par hasard.
Guy Scarpetta :
À côté d’assemblages appartenant à la série Banania, tu en présentes d’autres, consacrés à des thèmes différents. Ça se bouscule et s’entremêle… et ça emprunte plusieurs directions en même temps.
Jean-Jacques Lebel :
Tu as vu juste. À part ce mélange originel d’anthropologie sociale et visuelle, de collages d’éléments hétérogènes et de vocabulaires « étrangers » les uns aux autres, il n’y a pas « d’unité » et surtout pas de « style » (ce serait mortel !). D’ailleurs, je mets carrément en doute la sacro-sainte « unité du moi » dont le dogme monothéiste nous rebat les oreilles. Je milite pour un art qui porte les couleurs de la polyvocité et de la polysémie.
Guy Scarpetta :
Christine Keeler, que fait-elle dans ce magma chaotique ? Tu travailles à cette série depuis 1963. À quoi ça rime ?
Jean-Jacques Lebel :
Christine Keeler dont l’heure de gloire a quelque peu tourné court est encore en vie. C’est une véritable « héroïne des temps modernes » d’origine ouvrière à l’égal des soeurs Papin, de Violette Nozière, de Mae West et, dans d’autres registres, Billie Holiday ou Louise Michel. C’est une figure insurrectionnelle involontaire et aléatoire, qui fut motivée par sa seule libido, pas par un programme ou un idéal politique. À 19 et 20 ans, ce fut une call-girl, belle et effrontée, qui travaillait dans un réseau géré par un maquereau-médecin, Stephen Ward, lequel s’est suicidé après avoir fourni aux clients de jeunes et jolies partenaires, pour ce que la presse actuelle (à propos d’un récent ex-dirigeant du FMI) appelle des « soirées libertines », à la gentry britannique, à des aristocrates châtelains, à des vedettes de Hollywood et aussi au ministre de la Guerre du gouvernement conservateur de Harold Macmillan, John Profumo – marié à une star de cinéma – et au chef du KGB à l’ambassade soviétique à Londres, Yevgeny Ivanov. Le court-circuit sexuel entre le Ministre et l’Espion a fait sauter la baraque, le scandale a explosé et grâce aux talents érotiques ou supposés tels de Christine Keeler, ce gouvernement conservateur est tombé. Elle a fait quelques mois de prison et, bien sûr, rien n’a changé sinon que, pendant un court moment, on a pu examiner d’un peu plus près, en temps réel, ce qui se passait derrière le rideau de fumée du pouvoir politique. Christine Keeler joua sans en avoir eu pleinement conscience mais sans s’en être cachée, le rôle de l’analyseur social : le rôle de celle qui met le feu à la poudre. Derrière ce scandale de mœurs – comme il y en a couramment dans les milieux gouvernementaux sous tous les régimes politiques – il y a eu, brièvement, la possibilité d’observer le comportement intime et sans garde-fou des gouvernants pris au piège de leurs propres pulsions. Cette femme méritait bien l’hommage de quelques portraits imaginaires ! Il y a deux ans, j’ai participé, dans une galerie londonienne, à une exposition à elle consacrée où on a vu des photos de reportage de l’époque 1962-1963 – dont certaines par de grands photographes et une du disgracié ministre de la Guerre lui-même – qui la montrait sous toutes les coutures et même en tenue d’Ève. Une star d’un jour, une comète. Mes assemblages sont, en quelque sorte, des anti-reportages. Ils traitent du mythe plutôt que de l’individu. Mais les faits sont avérés.

Guy Scarpetta :
Ces montages, ces télescopages, tu les as commencés très tôt, dès les années soixante, et c’est du reste assez difficile de dater tes œuvres : on a l’impression que tu as ouvert plusieurs chantiers, et que ça peut s’interrompre, pour être réactivé plus tard…
Jean-Jacques Lebel :
… Je les oublie pendant vingt, trente ou quarante ans, et puis un jour ça revient…
Guy Scarpetta :
Pourquoi as-tu tenu à publier en frontispice du présent catalogue cette photo prise à New York en 1943 ? On t’y voit à sept ans, en costume de cow-boy et en compagnie d’une vieille dame noire, de Patrick Waldberg (ami de Georges Bataille), de Max Ernst, de ta mère, de Charles Duits, d’Aimé Césaire, de Marcel Duchamp et de quelques autres… Qu’est-ce que tu fais là ?
Jean-Jacques Lebel :
Je m’acquitte d’une dette envers cette vieille dame noire qui s’appelait Nanny Lee. C’est elle qui m’a « élevé », comme on dit. Mon père était encore prisonnier de guerre en Europe et ma mère était très occupée à autre chose. C’est donc cette femme, très douce et très protectrice, qui a modelé ma sensibilité déjà dans un sens polyglotte et multiculturel. J’avais un pied dans le milieu des exilés antifascistes francophones, ce groupe se réunissait tantôt chez les uns, tantôt chez les autres, Matta, Breton, Levi-Strauss, Isabelle Waldberg, Arshile Gorky, Sonia Sekula, Tanguy, Georges Duthuit, Masson et bien d’autres encore en faisaient partie. Et mon autre pied était dans le monde de Nanny à Harlem. Elle a vécu centenaire, sa mère était née esclave sur une plantation et fut émancipée. Nanny était originaire du Deep South, elle portait le blues en elle et dans son regard. Certains dimanches, à l’insu de ma mère, elle m’amenait avec elle à Harlem, dans l’église où elle chantait du Gospel dans une chorale. Nous montions à Harlem par le A Train (célébré par Duke Ellington) et le gosse que j’étais a ressenti – sans tout à fait le comprendre – ce que c’est que l’Altérité et sa grandeur. Plus tard, en lisant Rimbaud, j’ai apprécié «Je est un autre» comme une vérité première. J’ai vu de mes yeux vu cette femme se métamorphoser de domestique en Reine, portant un large chapeau blanc, des gants, une robe très élégante (fabriquée par elle-même) – telle ces « initiés » camerounais filmés par Jean Rouch dans Les Maîtres fous qui, de terrassiers ou chauffeurs citadins se métamorphosent rituellement en sorciers dans la forêt – elle chantait avec ses copines d’étranges prières polyphoniques adressées à l’invisible. Certaines de ces femmes, très élégantes elles aussi, sautaient les bras en l’air puis se roulaient par terre, en transe. C’étaient des Holy Rollers. Je dois à Nanny de m’avoir ouvert les yeux et le cœur en m’introduisant très jeune dans cet Autre Monde que, beaucoup plus tard, je reconnaîtrais comme l’univers de la transe et le lieu du surgissant pulsionnel, en contact direct avec l’inconscient, sur lequel Artaud a construit sa vision de l’art et sa pratique du théâtre. Grâce à elle, j’ai compris très tôt que le monde judéo-chrétien qui se prétend supérieur au reste de l’humanité n’était vraiment pas grand-chose. Grâce à Nanny, j’ai su qu’il existait des alternatives, d’autres univers, d’autres modes de vie, d’autres langages. Elle m’a introduit à l’altérité. Je préfère de beaucoup la sensibilité qu’elle m’a transmise aux principes petits-bourgeois que voulait m’inculquer ma mère biologique avec qui je ne me suis jamais entendu.
Ce gamin en costume de cow-boy était déjà, en réalité, un indien de cœur et d’esprit qui jouait au cow-boy pour donner le change. Max Ernst, Patrick Waldberg, Césaire, Duchamp ont bien rigolé par la suite en me voyant m’affirmer beaucoup plus indien que cow-boy. Et Alain Fleischer a tiré tout un film de cette dualité dialectique. Breton absent ce soir-là était à New York à la même époque. J’étais dans la même classe, à la même école qu’Aube – la fille de Jacqueline Lamba et de Breton, lequel parfois venait nous chercher après l’école – qui est restée une amie. Sans Nanny Lee, ce gamin que j’étais n’aurait peut être jamais eu le courage d’assumer les « autres » que, déjà, il portait en lui. Voilà pourquoi cette photo est reproduite ici. C’est une reconnaissance de dette envers elle. Sans elle, je ne me serais peut-être pas passionné pour Billie Holiday, pour Bird, pour Thelonious Monk, pour Charlie Mingus, pour Ornette Coleman. Sans elle, je ne me serais pas senti chez moi dans les textes de Césaire (Soleil cou coupé), de Fanon (Peau noire, masques blancs), de Glissant (Le discours antillais) qui ont orienté mon existence tout autant que la peinture de Jérôme Bosch, de Giorgione, de Victor Hugo, de Pollock ou que les écrits et les dessins d’Artaud. Le travail de l’artiste autogestionnaire tel que je le conçois consiste à provoquer une «noce chimique» entre le déjà pensé, le déjà peint, le déjà joué et des ingrédients psychiques ou politiques incongrus, hétérogènes qui modifient le système de production et de circulation. Ornette Coleman, dans son dernier concert en quartet à La Villette, a construit un modèle du genre : un alliage du vieux blues le plus douloureux originaire de son Texas natal et de l’expérimentalisme schizo, d’amplitude artaudienne, qui caractérise le génie musical du free jazz.
Guy Scarpetta :
Nous avons en commun cet amour sans frein pour le jazz. Lorsque j’étais lycéen, j’ai pu écouter Albert Ayler qui faisait un bœuf avec d’autres musiciens un samedi soir, alors qu’il était stationné sur une base américaine. Cela m’a bouleversé. Je n’avais jamais rien entendu de pareil.
Jean-Jacques Lebel :
Parlons franc : Billie, Bird, Monk, Ornette ont à mon sens la même intensité indispensable, régénératrice de pulsions créatrices que Nietzsche, Baudelaire ou Rimbaud. Certaines de mes amitiés les plus fortes – avec François Dufrêne, Daniel Pommereulle ou le peintre-poète haïtien Jacques Gabriel par exemple – furent solidifiées par notre passion commune pour le jazz. Avec Jacques Gabriel en 1961-1962 à New York, nous allions souvent écouter Monk jouer dans un club et ensuite à minuit, on rentrait travailler toute la nuit dans l’atelier que nous partagions. Un soir, à Paris, en sortant du Chat qui Pêche où nous avions écouté Eric Dolphy (à qui j’ai dédié en 1966 mon premier livre consacré au happening, publié chez Maurice Nadeau), Pommereulle et moi avons scellé une alliance qui s’est traduite par des œuvres en collaboration et un long parcours en commun. Dis-moi qui tu écoutes et ce que tu regardes et je te dirai qui tu es.
Guy Scarpetta :
En écho, si tu veux : lorsque j’étais étudiant, dans la seconde moitié des années soixante, j’avais plusieurs copains noirs. Et ce qui nous rassemblait, c’était à la fois les comités anticolonialistes auxquels nous participions, et un amour fervent du jazz (c’était l’époque où Miles Davis, Thelonious Monk ou John Coltrane atteignaient leurs sommets, et aussi celle de l’émergence du free jazz). Les deux choses étaient inséparables.
Jean-Jacques Lebel :
Cela dit, Mozart et Monteverdi m’enchantent eux aussi, et j’adore l’opéra italien – Rossini, Bellini, Verdi – mais c’est avec le jazz que je respire. La musique de l’Inde et les chants des moines tibétains me sont très familiers, très proches. La pensée musicale de Mozart m’hypnotise parfois au même titre que la poésie de Mallarmé, par sa complexité formelle.
Guy Scarpetta :
Mais il y a dans le jazz, peut-être, une dimension supplémentaire, singulière, qui est celle de l’implication physique immédiate…
Jean-Jacques Lebel :
Oui, le souffle vital… Tu trouves cela, aussi, d’une certaine façon, dans la Ur Sonate de Schwitters, qui reprend la structure classique de la sonate, qui en enlève les notes, et met des phonèmes à la place. C’est de la musique… verbale, autrement dit, de la poésie sonore.
Guy Scarpetta :
Et ces « portraits », quel est leur fonction ?
Jean-Jacques Lebel :
Je me suis constitué une tribu imaginaire, une galaxie affective, composée d’êtres que j’ai connus et/ou profondément aimés. Cette série a démarré en 1956 avec Breton et a continué avec Nietzsche (toujours le plus vivant), Duchamp, Man Ray, Meret Oppenheim, Billie Holiday, Bird, Artaud, puis Félix Guattari, Erró, mon frère adoptif. Ici, je montre Jacques Gabriel et Tetsumi Kudo, artistes importants mais méconnus. Je prépare des portraits de Gilles Deleuze – un ami irremplaçable – de Daniel Pommereulle et de Fréderic Pardo, des proches avec qui a été vécue l’exploration des happenings et des hallucinogènes dans les années soixante. J’essaie de rendre compte de ce qu’ils avaient d’exceptionnel et de flamboyant.
Guy Scarpetta :
Tu présentes ici quelques assemblages sur fond rose bonbon, comme pour en souligner le côté « pâtisserie », à la manière des gâteaux de mariage ou de la chambre à coucher de Jayne Mansfield tapissée de velours rose. Ces boîtes de Banania datant des années 1920, ces crocs de boucher, ces pin-up, ces articles de journaux, ces objets kitsch de toute sorte et de toute provenance, ce petit cochon en bronze poignardé, cette cage à oiseaux, ces photos d’agence, cette vaisselle reproduisant L’Angélus, ces vieilles valises… tout cela donne l’impression qu’un processus de recyclage et de détournement est à l’œuvre en permanence, comme si tu cherchais à retourner à l’envoyeur – la société marchande – ses déchets et ses produits avariés, mais démasqués, analysés et métamorphosés en objets d’art, en thèmes de «méditations esthétiques» pour reprendre les termes d’Apollinaire.
Jean-Jacques Lebel :
Oui, je passe les déchetteries industrielles/culturelles de l’ère capitaliste au peigne fin – du moins je l’espère – pour y dénicher de quoi bricoler des antidotes et des contre-attaques pratiques et efficaces. C’est de l’anthropologie visuelle en somme. Mon ami Nam June Paik disait : «Il y a longtemps que la télévision nous agresse, il est temps de riposter.» Je m’y efforce. Quant aux méthodes de travail que j’emploie, elles ne sont pas éloignées de celles des poilus bricoleurs qui, dans les tranchées de 14-18, ou des ateliers de fortune, transformaient des douilles d’obus en violons, en pendules ou en pichets, des casques d’acier en mandolines, des baïonnettes en faucilles, des têtes de fusées d’obus en encriers, etc. Métamorphoser des engins de mort et des armes de guerre en objets utiles c’est, en effet, un processus très proche du détournement pratiqué par les dadaïstes. Je pense aux images « mécanomorphiques », inspirées par des moteurs, de Picabia (1915) et bien sûr, à l’urinoir métamorphosé en Fontaine (1917) de Duchamp. Cependant, l’art brut bricolé par les poilus de 14-18 d’une part et les ready-mades ou ready-mades aidés de Duchamp ne sont pas identiques ni interchangeables bien qu’ils aient été fabriqués la même année mais dans des circonstances très diverses.
Guy Scarpetta :
Tu as mis en évidence leurs analogies et leurs différences dans « Soulèvements » à la maison rouge en 2009 en proposant une relecture, mieux une sorte de « révolution du regard » porté sur les désastres de la Première Guerre mondiale et leurs incidences sur l’histoire des arts.
Jean-Jacques Lebel :
Cette révolution est loin d’être achevée, elle est en cours, car les académismes et les retours à l’ordre châtré ont la peau dure. Laurent Le Bon m’a invité à présenter une installation inédite de grande dimension, dans son exposition « 1917 » au Centre Pompidou–Metz qui ouvrira prochainement. Ce sera l’occasion d’un face à face entre l’art brut des poilus et les chefs-d’œuvre (reconnus longtemps après coup) de Picabia, de Duchamp, de la collaboration entre Schamberg et la Baronne Elsa von Freytag-Loringhoven et de Brancusi, datant de la même époque en pleine Première Guerre mondiale. La mise en question des relations conflictuelles entre Histoire et histoire de l’art, subjectivité et société ne fait que commencer.
Guy Scarpetta :
Le moins qu’on puisse dire est que cette relecture et cette remise en question sont d’une actualité brûlante.

 

Entretien publié dans le catalogue de l’exposition « Jean-Jacques Lebel. Recycler, détourner »

 

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ELIZABETH PATTERSON - DU 27 JANVIER AU 3 MARS 2012

DU 27 JANVIER AU 3 MARS 2012

ELIZABETH PATTERSON

IMAGINING THE RAIN

La galerie Louis Carré présente en collaboration avec Louis Stern Fine Arts (West Hollywood, USA) un ensemble d’œuvres sur papier (crayon de couleur et graphite) de la série Rainscapes : « Ma série la plus récente est née de l’observation des motifs créés par l’eau ruisselante et le reflet des éclairages publics sur le pare-brise de ma voiture pendant une averse. Quelques gouttes d’abord, qui se sont ensuite transformées en ruisselets, brouillant ma vision, avant que les essuie-glaces ne changent complètement l’image… J’étais comme hypnotisée par les éléments qui, en même temps, stimulaient mon imagination… »

 

E. Patterson

 

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WANG YAN CHENG - DU 9 DÉCEMBRE 2011 AU 14 JANVIER 2012

DU 9 DÉCEMBRE 2011 AU 14 JANVIER 2012

WANG YAN CHENG

PEINTURES RÉCENTES

« L’erreur serait d’enfermer Wang Yan Cheng dans des oppositions traditionnelles, codées à l’excès. Certes Wang Yan Cheng risque de nous paraître Yin par son immersion dans la matière, ses concrétions et conglomérats fantastiques, sa profusion intarissable. Et il serait Yang puisque le fascine la couleur blanche plus lumineuse. Mais le peintre rit de ces concepts figés que nous importons en les simplifiant. En fait, Yin et Yang échangent volontiers leurs principes. Si à l’origine d’un tableau de Wang Yan Cheng naissent des étendues noires et blanches c’est l’expression d’un chaos primordial où tout est vivant et virtuel. Très vite ce noir et ce blanc, ces surfaces indistinctes connaissent une première épiphanie de la couleur. Le noir et le blanc sont bientôt hantés d’ocre ou de brun fluide, d’orange, de bleuté. Toute une gamme de transparences et de réverbérations s’élabore où chaque état de la peinture connaît sa transformation. Wang Yan Cheng peut ainsi faire valoir au plus intime de la toile sept à huit couches de couleurs, fondues en glacis subtils. On est loin des cinq couleurs de l’encre traditionnelle. Wang Yan Cheng, tout en se réclamant des peintres chinois originels s’affranchit allègrement de leurs codes qu’il déborde en pratiquant une abstraction lyrique très singulière.

Une fois advenu ce monde où déjà, dans les nébuleuses grises, noires et laiteuses, se diffusent les ondes des couleurs, Wang Yan Cheng manie la matière épaisse, tangible. Il étale et érige des archipels noirs et massifs dans l’océan originel. Mais ces blocs telluriques sont immédiatement triturés de mille accidents locaux, reliés en réseaux, en rayons de ruche. Matière plus arachnéenne qu’on ne le perçoit d’abord, réticulée, ridée de mille vaisseaux. C’est un cosmos veiné de capillaires dont la térébenthine propage les arborescences infinies. Ce sont aussi des marbrures bosselées, aérées de vacuoles, des labyrinthes vermiculés, des efflorescences dures, digitées, des forêts de coulures. La pierre est un poumon vivant. Noir souvent moucheté, piqueté de blanc lumineux. Le blanc perfore le noir. Le noir est grené de blanc. Le feu brûle au cœur du noir. Tous les matins limpides y éclosent. Dans le cristal du jour naissent les soirs. Notre nuit est gorgée de myriades de soleils. Le monde est un grand mariage. Et Wang Yan Cheng conduit ces noces en terrassier, en maçon minutieux des corps cosmiques qu’il bâtit, transforme, anime, nourrit sans cesse d’un devenir élargi. »

 

Patrick Grainville
Wang Yan Cheng : La Vraie Vie (extrait)

 

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GASTON CHAISSAC - DU 14 OCTOBRE AU 19 NOVEMBRE 2011

DU 14 OCTOBRE AU 19 NOVEMBRE 2011

GASTON CHAISSAC

1940/1950

Hors des sentiers battus, poussé par un impérieux besoin, Chaissac crée avec autant de facilité qu’il respire : des visages asymétriques, aigus, des personnages dégingandés, des bonshommes un peu naïfs, des motifs abstraits, utilisant les rares matériaux dont il dispose comme l’encre violette, la gouache, la craie d’écolier délayée, le pastel, le charbon, rarement la peinture à l’huile trop longue à sécher, sur tous les supports à sa portée comme les pierres des chemins, les murs du préau de l’école, des cartons ou les papiers récupérés de la classe de sa femme. Même pour les grands formats il préfère peindre à l’horizontale. Retenant les leçons de Gleizes, il utilise parfois le calque pour transposer et épurer un dessin. Il peint directement ou au contraire dessine des séries et décide que la mise en couleur peut attendre. Aucun artiste ne veut répondre à son désir de collaboration pour des œuvres à quatre mains et il doit se contenter de partenaires plus modestes que sont les enfants du village.

Les difficultés le stimulent et l’attristent à la fois. Il a tout à fait conscience de ne pas être un artiste comme les autres mais il ne peut pas être autre chose. Il affiche sa préférence pour ce qu’il qualifie en 1946 de « peinture rustique moderne » et conseille au journaliste vendéen Joseph Bonnenfant de « faire un rapprochement entre [ses] tableaux et la rusticité du langage des paysans (qui déforment les mots comme moi le dessin) qui est si expressif et savoureux. […] Au fond en peinture je parle patois. »

 

Claude Allemand
(Extrait de la préface du catalogue publié à l’occasion de l’exposition)

 

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HERVÉ TÉLÉMAQUE - DU 9 SEPTEMBRE AU 8 OCTOBRE 2011

DU 9 SEPTEMBRE AU 8 OCTOBRE 2011

HERVÉ TÉLÉMAQUE

LA CANOPÉE / THE BROWN PAPER BAG

« C’est avec les peintures qui s’inscrivent dans la série dédiée à La Canopée que Télémaque entend, comme il le dit, «redémarrer la peinture».
La canopée, rappelons-le, est l’étage le plus élevé de la forêt, la couche supérieure de quelques mètres d’épaisseur où se trouve plus de 80% du feuillage des arbres. C’est aussi, comme le dit Télémaque, «ce qu’on n’aperçoit pas de la forêt», cette «sorte de bouchon» «qu’on ne connaît pas vraiment». Cette profondeur tantôt touffue tantôt fluide dont on imagine le chaos tout en spéculant sur sa vertu régénératrice. Un inachèvement vital qui répond à l’inachèvement délibéré du travail actuel de Télémaque. Une configuration inédite de strates animales et végétales, de haut et de bas, de proche et de lointain, de dense et de clairsemé.

Dans le présent catalogue, pas moins de huit œuvres portent dans leur titre la mention de canopée, mais elles ne correspondent pas nécessairement au même style. Comme Picasso peint simultanément cubiste et ingriste entre 1917 et 1925, H.T joue avec ses manières successives.

Figurations apaisées (“Et si ce n’était qu’ainsi, la canopée”, 2009), allusions figuratives (“À l’escalier, permaculture”, 2010), brouillage visuel (“Âne et canopée”, 2006), coexistence de formes improbables (“The brown paper bag”, 2010) apparaissent (séparément ou ensemble) dans des œuvres de la période 2005-2010. Mais, dans cette même période, H.T peint d’autres œuvres où l’emboitage et l’étagement à la verticale des éléments constitutifs dominent. Ainsi, dans “Un pan ainsi, ainsi le seau” (2005), ou dans “À l’escalier, ainsi la canopée” (2006), une trame orthogonale de polygones irréguliers, de bribes d’images, et de réseaux filiformes assure l’ordre de ce désordre apparent, et, comme dans la canopée, donne à chacun, hors sol, sa bonne place, dans un mouvement ascensionnel vers la lumière. D’autres fois, dans ce resserrement retrouvé, les diagonales l’emportent (“La Chauve-souris, la canopée”, 2009, “Mode autre, l’inachevé, la canopée”, 2006-2010). Ou bien un horizon apparaît (“Singe et canopée”, 2007 ; “En oblique, la canopée”, 2010). Ni vide ni fond quelconque. Le plein des choses. Leurs formes, leur couleur. »

 

Jean-Paul Ameline
Éloge de l’accident ou H.T se lâche (extrait de la préface du catalogue publié à l’occasion de l’exposition)

OLIVIER DEBRÉ - DU 24 JUIN AU 30 JUILLET 2011

DU 24 JUIN AU 30 JUILLET 2011

OLIVIER DEBRÉ

LES ANNÉES CINQUANTE

« À qui voulait l’entendre, Olivier Debré répétait souvent que « la peinture est un langage muet donnant aux sensations une réalité plastique. » Il insistait aussi sur le fait qu’un « peintre ne devrait pas parler, son rôle [étant] de transmettre ce que le mot ne peut traduire et par un jeu de formes, de couleurs, de signes agencés éveillant l’émotion sensible, d’ouvrir un chemin vers l’inexprimable et en fin de compte de donner à l’homme une image de lui-même, et à la pensée la sensation même de sa nature. » Tout bien considéré, on mesure à quel point ces paroles, prononcées au début des années soixante, condensent ce qui a été, très tôt, le dessein de l’artiste. Le propos prend même tout son sens pour la période qui voit Debré apparaître sur la scène artistique de l’après-guerre, précisément à partir de 1949. Est-il utile de souligner que cela ne fait pas pour autant de lui un « peintre des années cinquante » ? En ce sens, il ne s’agit pas tant, comme l’a pensé Pierre Cabanne, d’une place qui ne lui est pas rendue lors de l’exposition bilan sur « Les Années 50 » au Centre Pompidou en 1988 que de l’impossibilité et du non-sens de l’y voir figurer. Car la peinture de Debré relève plutôt, pour reprendre le titre d’une autre exposition, d’« une histoire parallèle » dont la source est à chercher en effet dans le creuset des idées qui s’élaborent au sortir de la guerre mais se déploient au tournant des années cinquante-soixante pour devenir en quelque sorte, et pour toute une génération, le cadre de travail des trois décennies suivantes.

 

Pour comprendre les années cinquante d’Olivier Debré – et ce qui se joue dans cette période si décisive pour son œuvre ultérieure – il faut s’intéresser au peintre qu’il est depuis déjà très longtemps, évoquer, pourquoi pas, l’enfant qui très tôt se passionne pour le dessin et le modelage, ce dont viennent témoigner des photos comme celle où on le voit sur une plage du Lavandou, assis face à la mer, un chevalet supportant la toile qu’il est en train de peindre. À la faveur d’un entretien tardif, en 1980, il dira même très clairement que ses premiers souvenirs étaient liés à ces moments de création face à la nature, instants vécus comme de profonds besoins d’expression pour le garçon qu’il était. Aujourd’hui, on sait combien cette relation au monde a compté dans le cheminement de son œuvre, à quel point aussi le rapport de l’artiste à cette vision impressionniste a pu être contradictoire dans ses propos successifs et commentaires plus tardifs, contribuant ainsi à brouiller les cartes d’une critique en attente de postures attendues. »

 

Philippe Bouchet
La sensation même (extrait de la préface du catalogue publié à l’occasion de l’exposition)

MARK BRUSSE - DU 20 MAI AU 18 JUIN 2011

DU 20 MAI AU 18 JUIN 2011

MARK BRUSSE

WHO LOST HIS HEART IN VENICE ?

« Dire de Mark Brusse qu’il est un homme de cœur passera peut-être pour une facilité. Pourtant, à parcourir son œuvre depuis une quinzaine d’années, on mesurera très vite combien l’image de cet organe vital y est récurrente. Sa première apparition trouve une source très précise à l’occasion d’une résidence que fait l’artiste à Kakunodate, au nord du Japon […].
Quelques années plus tard l’occasion s’est trouvée – à moins qu’elle ne se soit imposée à lui par la force indicible des choses – qu’il acquiert un de ces simili cœurs fabriqués à destination des étudiants en médecine pour qu’ils en apprennent tous les vaisseaux et toutes les cavités. Simplement posé sur une étagère à l’atelier, il est resté là parmi d’autres bibelots n’ayant d’autre statut que celui de ces objets que l’on trouvait jadis dans les cabinets de curiosités. Quoique ses qualités plastiques pouvaient l’apparenter à une sculpture, Mark Brusse n’avait jamais songé à lui donner une existence artistique particulière jusqu’au jour où quelque chose d’irrésistible l’entraîna à en faire usage d’œuvre. Ainsi naquit la série autour du cœur errant de Venise.
En septembre 2008, invité pour deux mois à séjourner dans la Cité des Doges par la Fondation Emily Harvey, Mark Brusse s’est tout aussitôt persuadé qu’il pourrait faire quelque chose là-bas avec ce cœur. Se laissant guider par son intuition mais sans savoir ce qui allait vraiment advenir, il l’a donc emporté dans ses bagages et il ne l’a plus quitté, le trimbalant en permanence avec lui. Au fur et à mesure de ses déambulations dans la ville, l’idée lui est venue de le placer ici et là, au gré de son regard et des situations trouvées, et de le photographier. Voyait-il un rebord de fenêtre dont les volets étaient fermés et il y plaçait son cœur le temps d’une prise de vue. Découvrait-il un graffiti amoureux et il le posait à ses pieds. Était-il happé du regard dans une église par une statue qui tendait ses mains en avant et il le glissait en leur creux, comme une offrande. »

 

Extrait du texte de Philippe Piguet, Mark Brusse, le cœur errant de Venise

 

WHO LOST HIS HEART IN VENICE ? est un projet photographique de Mark Brusse comportant 128 pièces en tirage unique (1/1), numérotées de 1 à 128.
Chaque œuvre est accompagnée du livre « Who lost his heart in Venice ? », numéroté et signé par l’artiste, présentant l’intégralité du projet (texte de Philippe Piguet, Mark Brusse, le cœur errant de Venise). Il a été tiré à 134 exemplaires sur Olin regular blanc naturel 150 g, constituant l’édition unique et comprenant 128 exemplaires signés par l’artiste, numérotés de 1 à 128, 5 exemplaires signés par l’artiste, marqués I/V à V/V, 1 exemplaire d’archive non numéroté et non signé.
Les fichiers numériques utilisés pour les œuvres et leur reproduction ont été détruits.

PIET MOGET - DU 18 MARS AU 16 AVRIL 2011

DU 18 MARS AU 16 AVRIL 2011

PIET MOGET

LUMIÈRE HORIZON PEINTURE

Piet Moget est né à La Haye en 1928. En 1947, il visite le sud de la France, émerveillé par sa lumière. De retour cinq ans plus tard, il s’installe à Port-la-Nouvelle, en pays catalan. Il y réside depuis lors, et c’est là qu’il peint, face à la digue qui cache la mer, face au ciel, ou dans une cabane ouverte sur le même horizon. Toute la source de son travail semble contenue dans ses premières impressions de la mer, lorsqu’à l’âge de trois ans, gravissant les dunes haguenoises, il pressentit la présence du Noordzee derrière le rideau de sable.
Quelque temps après son installation en France, Piet Moget eut à cœur de rendre visite à Geer van Velde dans sa petite maison de Cachan. En 1947, au Gemeente Museum de La Haye, il avait vu de ce peintre une œuvre majeure, La Méditerranée, qui l’avait profondément marqué. Si Piet Moget a reconnu alors son aîné comme un maître, on ne discerne pas de parenté formelle entre leurs œuvres respectives. Ce qui peut les rapprocher, ce ne sont pas des proximités plastiques mais plutôt un rapport similaire à la lenteur et à la plénitude. « On mesure ce que peuvent la patience et la rigueur, le silence d’une quête, la lente distillation du temps, l’apprivoisement des objets », écrivait Gaëtan Picon à propos du cadet des frères Van Velde. Le propos pourrait qualifier presque mot pour mot la démarche de Piet Moget.
Le format de ses peintures épouse à peu de chose près celui d’un carré, même si ce dernier peut être de dimensions variables. Si les gris y sont souverains, c’est avec des nuances infinies, des modulations secrètes, des irisations et des nacres subtiles. Loin d’annoncer l’extinction de la lumière, le gris en est ici la révélation. C’est une couleur atmosphérique, riche de lentes épiphanies, d’imperceptibles franchissements de seuils. Dans les œuvres de Piet Moget, il n’y a en général rien d’autre que le ciel, la ligne basse de l’horizon, enfin la digue ou une bande de terre plus sombre dans le bas de la toile, mais tout s’illimite en un même espace cardé par le vent.

Fidèle depuis toujours au même vœu, au même paysage inspirateur de patience méditative, cette peinture est hospitalière au temps, à la longue durée. Chaque toile irradie la lumière et le temps dont elle s’est imprégnée. La peinture de Piet Moget est dépouillée de tout artifice. Le pittoresque lui semblerait s’époumoner d’insignifiance. C’est aussi une peinture infiniment attentive. On dirait qu’elle incorpore et décante en une même réalité lumineuse les états solides, fluides et éthérés de la matière. Un propos de Montaigne nous revient en mémoire devant cette œuvre : « Les extrémités de notre perquisition tombent toutes en éblouissement. »
Ce qui émane également du travail de Piet Moget, c’est une plénitude active du silence. Un silence qui n’est certes pas celui des vanités du XVIIe siècle où il triomphe comme signe de l’arrêt du temps et de la vie, quand le mutisme même des instruments de musique se couvre de poussière. C’est ici un silence où rien ne pèse mais où tout a sa densité. Silence toujours vulnérable qui n’est pas le sceau d’un lieu, mais qui signe la qualité d’une écoute, d’un regard. Silence qui élague, déblaie et porte l’émotion sensorielle à ce degré d’intensité où, comme le silence, elle n’impose rien mais confirme la vie, là où nous atteint cet autre réel palpitant qu’est la peinture.

 

VERS LA LUMIÈRE ET LE SILENCE
Piet Moget
Texte de Jean-Baptiste PARA
In la Revue Europe n° 984 (parution avril 2011)

HENRI CUECO - DU 4 FÉVRIER AU 5 MARS 2011

DU 4 FÉVRIER AU 5 MARS 2011

HENRI CUECO

UNE SAISON DANS L’ATELIER, DIALOGUE INGRESQUE

En 2007, Cueco répond favorablement à l’invitation du musée Ingres de Montauban qui souhaite «compléter le volet de ses expositions consistant à mettre régulièrement Ingres aux prises avec de grands dessinateurs contemporains.» Il se rend à plusieurs reprises au musée et «fait naître de cette «rencontre» une centaine d’œuvres entre fin 2007 et 2009», exposées du 10 juillet au 7 novembre 2010 au musée de Montauban.
La galerie Louis Carré présente du 4 février au 5 mars 2011 une sélection de 30 dessins nés de ce dialogue ingresque.

«Cueco proclame à qui veut l’entendre qu’il est un amoureux de la peinture classique. Depuis les années quatre-vingt-dix – et même avant parfois –, le Corrézien rend de réguliers hommages aux maîtres du passé, Poussin, Philippe de Champaigne mais aussi Rembrandt et Delacroix qu’il ausculte, entre «vénération et blasphème», comme un médecin de famille, selon ses propres mots, dans l’intimité, avec le besoin de refaire le parcours des œuvres, voire de les «démonter comme on le ferait d’une machine».
(Extrait du catalogue de l’exposition au musée Ingres de Montauban. Ingres-Cueco : à la recherche d’une “clairvoyante réflexion” par Florence Viguier-Dutheil)

«Études, dessins pour La Grande Odalisque. Peinture : corps reptilien, trop long, magnifique courbure. La ligne est comme souvent réduite au trait avec la légère épaisseur qui est l’amorce d’un modelé qui n’envahit pas les formes. Juste ce qu’il faut de vie à cette « modulation » du trait pour « modeler » le volume du corps. La peau est faite de cette vapeur soyeuse qui la fait exister. L’amorce du sein sous le bras est un fragment où se condense une émotion sensuelle ; cette amorce invite à un regard sur ce lieu du corps qu’on ne verra jamais. Après un mouvement reptilien, les fesses sans ampleur sont elles-mêmes attirantes sans insistance, les pieds sont des prolongements fragiles et fruités du corps. La main comme souvent chez Ingres autonome amorce un mouvement pianotant. Le raccourci des cuisses est invisible et le corps repart, jambes élégantes et pieds dans le prolongement. Le regard tourné vers le regardeur du tableau, œil inquisiteur, invite au rejet. Toujours ces plissements de linge sous le corps. Invitation à une intimité de froissements et de caresses. On se perd dans l’organicité allusive de ces plis qui montrent ce que l’anatomie ne dévoile pas : pudeur et malice.
Détails : fesses, mains, pied, mollet. Le plumeau aux yeux de singe. Intimité et finesse des amortis ou incision des formes. À l’âge de la peinture académique la captation des formes, les lignes, la justesse du modelé laissent place aux espaces d’une peau si fine qu’on s’y perd : volupté du regard du peintre et du regardeur fasciné par cette peau si mystérieusement si fine à la caresse».

 

Henri Cueco

Carnet n° 1, 2008-2009

ERRÓ - DU 10 SEPTEMBRE AU 23 OCTOBRE 2010

DU 10 SEPTEMBRE AU 23 OCTOBRE 2010

ERRÓ

GLYCÉROPHTALIQUE 1990-2010

Erró, de son vrai nom Gudmundur Gudmundsson est né à Ólafsvík en 1932. Son œuvre construite à coup de flashes-back est un jeu de miroirs déformants et de pièges dont la mise en scène multiplie les audaces baroques. À l’heure d’internet et du flux indifférencié et pléthorique des images, il est l’artiste métaphorique de leur circulation planétaire !

Oscar Wilde prétendait qu’il n’y avait pas de brouillard à Londres avant William Turner. La grandiose série de toiles présentée à la Galerie Carré, qui couvre les vingt dernières années de production de l’artiste, démontre, à son tour, qu’avant Erró il n’y avait pas de super héros de bandes dessinées et que les personnages de papier n’accèdent véritablement à la consécration que sous ses pinceaux ! Mais pour lui, la bande dessinée est plutôt un aide-mémoire, un répertoire de personnages et de figures. Il laisse de côté les histoires qu’elle raconte, il y substitue les siennes.

Véritable papivore, Erró a toujours faim d’images ! Dans les dernières œuvres présentées, une série de personnages nous fixent de leurs yeux mouillés et tragiques ; des figures masquées nous scrutent… Devant ces souffrances silencieuses, comment ne pas évoquer les compositions de Jérôme Bosch et son Christ au supplice entouré d’une multitude de personnages aux visages contorsionnés ou James Ensor et ses rutilants Autoportraits aux masques.

Les déformations et les fusions formelles atteignent dans ses récentes séries un paroxysme extraordinaire dans des œuvres comme Albertville, The Gun Lady, Électrisé… renchéries par l’emploi de cette peinture glycérophtalique qui donne une brillance éclatante aux tableaux.

Dans cette nouvelle Odyssée humaniste à laquelle nous convie l’exposition, les ingrédients de la mémoire de chacun s’agrègent pour raconter des événements multiples qui embrassent le rêve et la trivialité, le sacré et le futile, le quotidien et l’exploit. Avec un grand jeu de cadrages, de formes et de couleurs, dans un univers sans vide, Erró donne vie à tout le théâtre du monde dominé par d’insolentes « Ladies Gaga » et des Ulysse contemporains enfin rassasiés, hamburgers à la main qui semblent nous questionner sur le prix de la « Pax americana » ! Un certain « Flower power » passé au vitriol célèbre la fulgurance des événements, une proposition éternelle dans l’éclair politique où même si les idées peuvent séparer, les rêves rapprochent.

 

Renaud Faroux
Le Prince Erró (extraits)

 

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EDUARDO ARROYO - DU 28 MAI AU 10 JUILLET 2010

DU 28 MAI AU 10 JUILLET 2010

EDUARDO ARROYO

COLLECTION PRINTEMPS-ÉTÉ AUTOMNE-HIVER

À travers le fruit d’une année de travail, 59 pièces mêlant tableaux à l’huile, dessins au crayon, collages de papier de verre, Eduardo Arroyo entreprend de raconter une histoire où l’étrange et le familier font bon ménage.

On y voit les aimables revenants de sa peinture : les portraits des peintres qui lui ressemblent, Fernand Léger de profil affublé du nez de Cyrano, Sherlock Holmes sur fond prince de galles plongé dans les photographies de ses enquêtes, Saint Sébastien les jambes criblées de flèches, Fantômas et l’Homme invisible en suspend dans un récit en cours d’écriture.

L’exposition rassemble des personnages dispersés dans des récits antérieurs : Robinson Crusoë, Freud derrière un sommier, Walter Benjamin et son rideau de fumée, Guillaume Tell, transfuge de la lointaine série Opéra et Opérettes, traité cette fois avec une palette luxuriante.

Après une longue période consacrée exclusivement au dessin, Eduardo Arroyo a saisi le prétexte de la présentation à la galerie Louis Carré & Cie de cette Collection printemps-été automne-hiver pour peindre motifs et textures variés : “veste paysage” de Tanger, escarpin fleuri du printemps, pâturages suisses, turban de Flaubert, chevelure et manteau d’une Vierge absorbée par la lecture d’Ulysse, Peggy Guggenheim en oraison sous la protection d’une abeille de l’abondance attirant de scintillantes pièces d’or.

Il utilise le crayon comme un pinceau afin de dessiner les blessures du vieux boxeur, les relectures de Lolita, la robe de bure reprisée d’un Oscar Wilde aux allures de saint de la Renaissance.

Le collage de papier de verre rugueux et coloré est l’écho amusé de son intérêt pour l’état du marché de l’art.

Cette fois encore l’artiste renverse les poncifs et s’adonne avec bonheur à l’art du pastiche.

Un Joseph d’Arimathie presque aussi maniériste que celui du Bronzino issu de la Déploration du Christ mort du musée de Besançon, un Pierre Loti moins naïf que celui du Douanier Rousseau, un Lesdiguières, le dernier connétable de France, en colosse allégorique et se livre à l’art du détournement en renversant, au pied de la lettre, toute sorte d’objets donnant ainsi à voir une nouvelle iconographie où s’entrecroisent des titres dont on peut penser qu’ils sont quasiment l’exploration d’une forme littéraire.

 

Catalogue trilingue (français-anglais-espagnol), texte de Bernard Chapuis

 

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MARK BRUSSE - DU 22 JANVIER AU 27 FÉVRIER 2010

DU 22 JANVIER AU 27 FÉVRIER 2010

MARK BRUSSE

ASSEMBLAGES COLLAGES 2008-2009

Pour Mark Brusse, d’origine néerlandaise, les longs séjours à l’étranger ont toujours fortement influencé sa façon de travailler.
Ses déplacements le mènent d’abord à Paris, où il choisit de s’installer en 1960, puis à Berlin, à New York, et à partir des années 80, en Asie surtout (Japon, Corée du Sud, Taiwan), en Équateur, à Porto Rico, au Maroc…, laissant souvent derrière lui une sculpture monumentale, comme pour marquer son passage. Mais ces séjours sont avant tout pour lui une possibilité de vivre et de travailler dans le contexte d’une culture différente de la sienne, une confrontation l’obligeant à remettre chaque fois en question sa façon de «voir les choses», à renouveler son langage tout en continuant à «raconter sa propre histoire».
En 2008, invité par The Emily Harvey Foundation, il séjourne deux mois à Venise. À la fois séduit et étonné par cette ville qui ne dévoile jamais vraiment ses mystères, la Cité des Doges se révèle être particulièrement inspiratrice pour l’artiste.

Dans l’exposition «Assemblages Collages 2008-2009», la galerie Louis Carré & Cie présente un ensemble de collages réalisés à Venise ainsi que des sculptures en verre créées avec les maîtres verriers de Murano. Sont montrés également une douzaine d’assemblages muraux mêlant bois et objets, exécutés dans son atelier parisien durant les mois suivant son séjour vénitien. Comme les collages, ils sont empreints de références fortes à Venise, mais curieusement, sont peints dans des blancs et des bleus qui rappellent les îles grecques où il a séjourné quelques années auparavant. Mark Brusse se montre ici fidèle à sa pratique de l’assemblage commencée dès 1961, par l’utilisation d’objets différents, voire opposés, qui, ôtés de leur contexte naturel, contribuent à créer une confrontation qui questionne sans toujours apporter les réponses.

HERVÉ DI ROSA - DU 20 NOVEMBRE AU 19 DÉCEMBRE 2009

DU 20 NOVEMBRE AU 19 DÉCEMBRE 2009

HERVÉ DI ROSA

AUTOUR DU MONDE, 17ÈME ÉTAPE : PARIS NORD

17e étape du parcours d’Hervé Di Rosa autour du monde : après Mexico, Miami, Foumban, Tel Aviv, une ville étrangère et familière à la fois, Paris Nord.

Plus que dans un pays ou une capitale, c’est à chaque fois dans un territoire autour de son atelier qu’Hervé Di Rosa prend racine et commence à engloutir tout ce qui est à sa portée. Une fois posé son studio, qui peut être un carrefour routier, une chambre d’hôtel, un atelier de gravure, une coopérative, une fois sa famille installée, l’artiste explore le voisinage et fouille, absorbe, déterre, inventorie l’univers proche pour en extraire le suc et la matière première de ses prochaines œuvres, la «langue visuelle» qu’il adoptera pour quelque temps.

Paris Nord, comme Bînh Duong, Durban ou Métepec, contient son propre univers, des images de frontières, de périphéries, des calligraphies étrangères, des croisements d’autoroutes, des terrains vagues indéfinis, des boutiques spécialisées pour les gens d’ici – qui justement viennent d’ailleurs.

Après les quartiers orphelins et métisses de Miami, Hervé Di Rosa poursuit ses recherches sur les paysages et l’architecture vernaculaires de nos villes occidentales. Il débusque l’anti-exotisme à sa porte : des espaces sans qualité apparente, entre-deux, hors champs, des rapprochements incongrus, des installations involontaires, la main de l’homme qui décale de manière infime le décor urbain. Il cadre là où il n’y a rien à voir, vise l’invisible, fixe ce qu’on ne voit plus à force de le voir, fait surgir l’émotion contenue dans ces lieux de rien.

 

Catalogue trilingue (français-anglais-espagnol), texte de Philippe Dagen

 

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HERVÉ TÉLÉMAQUE - DU 25 SEPTEMBRE AU 7 NOVEMBRE 2009

DU 25 SEPTEMBRE AU 7 NOVEMBRE 2009

HERVÉ TÉLÉMAQUE

COMBINE PAINTING 1965-1969

En octobre 2003 la galerie Louis Carré présentait à la Fiac «Télémaque, les années Pop». Pour suivre cette logique de reconstitution d’un parcours original et renouvelé, la galerie présente, du 25 septembre au 7 novembre 2009, les “Combine painting” de 1965 à 1969. Une occasion unique de revoir quelques tableaux qui entrent doucement dans l’histoire de l’art.

Pour rompre avec la lassitude de la pratique de l’épiscope et pour enrichir le langage pop, Télémaque introduit l’objet réel comme élément narratif dans le tableau. Fidèle à ses équilibres, à sa dialectique des contraires, Télémaque tisse ses toiles, de tentes ou de voiles, de gaines, de bas ou de soutiens-gorges, et raconte ainsi son histoire de citoyen du monde en quête d’installation. L’aventure prend le large, de la bande dessinée aux chocs des cultures africaines et occidentales.

Il est à noter que nombre de ses œuvres sont déjà dans les musées, parmi lesquelles :

“Conquérir” au Musée d’art moderne de la Ville de Paris,
“Pèlerinage aux ressemblances, Touareg ?” et l’ensemble d’objets “Le Large”, au Musée d’art moderne de Villeneuve d’Ascq,
“Le Jour se lève” au Moderna Museet à Stockholm.

Seule une réelle complicité galeriste/artiste et une patience scrupuleuse ont permis de réunir cet ensemble.

Quarante ans après et toujours intacts : le plaisir et le questionnement.

 

Catalogue bilingue (français-anglais), texte de Jacques Gourgue

OLIVIER DEBRÉ - DU 15 MAI AU 4 JUILLET 2009

DU 15 MAI AU 4 JUILLET 2009

OLIVIER DEBRÉ

FORMES INFORMELLES

La Galerie Louis Carré & Cie rend hommage à Olivier Debré à l’occasion du 10e anniversaire de sa disparition.

 

Totalement inédites*, Les Formes furent, dans le secret de l’atelier, l’ultime invention d’Olivier Debré dans les deux dernières années de sa vie. Avec la liberté qui vient du grand âge, le peintre renonce tant au caractère immuable des formats carrés qu’à la vision panoramique de ses immenses toiles horizontales pour créer des structures qui sont déjà, par elles-mêmes, un dessin.
Renouant avec la leçon des gouaches découpées de Matisse, il invente la forme des couleurs, taillant le châssis de ses toiles comme de véritables sculptures. Mais le caractère de ces structures, leur évidence monumentale, n’empêchent pas le peintre de se révéler, ici comme dans toute son œuvre, un maître subtil de la couleur et de la lumière.

*une seule fut présentée dans la dernière exposition organisée par le peintre avant sa mort

 

Catalogue bilingue (français-anglais), texte de Daniel Abadie

THOMAS HUBER - DU 28 NOVEMBRE AU 20 DÉCEMBRE 2008

DU 28 NOVEMBRE AU 20 DÉCEMBRE 2008

THOMAS HUBER – LABORATOIRE

AQUARELLES

« Travaux sur papier, je trouve cette annonce sur les cartons d’invitation absurde. Peut-on travailler sur du papier ? Sur ce matériau délicat qui garde même les traces des mains que l’on a lavées ? Le travail se reconnaît à la sueur abondante, aux choses pénibles, aux habits de travail, à la saleté et aux doigts crasseux. Lorsque l’art ressemble à du travail je me sens malheureux. Non, les artistes ne travaillent pas. » Thomas Huber

 

Thomas Huber naît à Zurich en 1955, de parents architectes.
De cette simple phrase, on comprend tout de suite que l’architecture a une l’influence de première importance dans l’œuvre de Huber. Il peint, en perspective, des lieux, le plus souvent culturels, (atelier, bibliothèque, salle d’exposition…) imaginaires.
Ses œuvres nous proposent moins des réalités que des lieux nous invitant à réfléchir sur la fiction artistique. Huber dispose à la façon d’un architecte des structures constructives sans l’espace de l’image et, en choisissant le losange et le carré comme éléments déterminants de son œuvre, il s’inscrit, du point de vue de l’histoire de l’art, dans la continuité du constructivisme, du suprématisme, de l’art concret et du minimalisme .

L’aquarelle est un médium important dans le travail de Thomas Huber. C’est une étape préliminaire à la peinture, c’est le laboratoire de ses idées. Par le biais de l’aquarelle, il teste ses compositions, les rend vivantes.

 

La Galerie, en exposant jusqu’au 20 décembre, une sélection d’aquarelles, se fait le relais parisien des expositions actuellement consacrées à l’artiste au Museum MARTa Herford, au Carré d’Art de Nîmes et à la Kunsthalle de Tübingen.

PIET MOGET - DU 10 OCTOBRE AU 15 NOVEMBRE 2008

DU 10 OCTOBRE AU 15 NOVEMBRE 2008

PIET MOGET

LE PEINTRE QUI RÊVAIT DE FAIRE UN SEUL TABLEAU

Piet Moget est un peintre à part, inclassifiable. Car cela fait cinquante ans qu’il peint la mer. Cinquante ans qu’il ne peint pas un paysage mais une force, une présence absente à la vue mais présente dans l’atmosphère.

Inclassifiable et atypique il peint tous les matins sur les quais de Port-la-Nouvelle, sur les façades de son « camion-atelier ». Insatisfait chronique, ou incapable de s’arrêter, Piet Moget peut travailler des années sur le même tableau, parfois même en le reprenant intégralement. Perfectionniste, il n’existe pour lui que très peu de toiles correspondant à ses attentes.

Comment expliquer son travail ? Lui même en est incapable et se justifie par une habile pirouette : « Si j’avais les mots pour expliquer mon travail je serai sans doute écrivain et non pas peintre ».

Piet n’est pas seulement artiste, il a aussi contribué à l’essort de l’art dans sa région en étant fondateur et commissaire du premier lieu d’exposition de renommée internationale dans la région Narbonnaise : le Lieu d’Art Contemporain (LAC), à Sigean.

 

Après l’exposition La Rive d’en face en 2001, la galerie Louis Carré & Cie lui consacre une exposition à l’occasion de ses 80 ans, présentant une sélection d’œuvres retraçant sa carrière.

EDUARDO ARROYO - DU 24 AVRIL AU 31 MAI 2008

DU 24 AVRIL AU 31 MAI 2008

EDUARDO ARROYO

CORRESPONDANCES

La galerie Louis Carré & Cie présente du 24 avril au 31 mai 2008, 20 peintures escortées de 9 gouaches, hommage d’Eduardo Arroyo à Fernand Léger.

Regard d’un peintre sur le travail d’un autre peintre, cette suite très construite présente une infinité de correspondances dans la composition et dans les détails.

Arroyo fait des emprunts à Léger et les associe à son univers familier. C’est ainsi que ses « anonymes », ses « clowns », ses « policiers » mais aussi son chat noir au dos hérissé et un Mickey muselé, autant de transfuges de toiles antérieures, observent l’intervention d’Arroyo sur les sujets majoritairement abstraits de Léger.

Arroyo renouvelle son jeu du détournement, essentiel « exercice de liberté », et offre l’expression de son respect dans un imposant portrait de Léger campé à califourchon sur une chaise.

L’exposition est accompagnée d’un catalogue trilingue (français – anglais – espagnol) dont la préface est écrite par Serge Fauchereau. Toutes les œuvres présentées sont reproduites.

MARK BRUSSE - DU 28 FÉVRIER AU 29 MARS 2008

DU 28 FÉVRIER AU 29 MARS 2008

MARK BRUSSE – MILAGROS

MILAGROS (PASTELS)

Cinquième exposition de Mark Brusse à la galerie Louis Carré & Cie, Milagros réunit un ensemble de pastels secs sur papier recyclé, réalisés en 2006.

 

Artiste nomade, Brusse se distingue par des influences multiples, conséquences de ses nombreux voyages de par le monde.
Contrairement aux idées reçues, l’Asie n’a pas le monopole de son inspiration, ses voyages en Amérique Latine ont laissé des traces indélébiles dans son œuvre. Son travail est le résultat d’un véritable mixage culturel.

Milagros signifie en espagnol « Miracle »… Ces œuvres, plus que de simples pastels, sont de véritables Ex-voto, réalisés en remerciement de guérisons miraculeuses, de vœux exaucés. Notion qui colle parfaitement à l’artiste.

Cependant, Mark Brusse refuse toute notion de sérialité. « Milagros n’est pas une série. Quand je commence à travailler, je sais ce que je veux faire, j’ai un flash, et j’essaye de m’en approcher le plus possible. »

La symbolique est omniprésente dans son œuvre, mais utilisée librement. Ce qui ne lui pose pas problème car pour lui, le vrai symbole nous parle toujours.
Comme pour ces Eleguas, figurines de magie blanche importées par les esclaves du Bénin dans les Caraïbes, dans lesquelles on insérait le nom d’une personne à qui l’on souhaitait du bien. Mark Brusse se les approprie pleinement et leur donne vie à travers ces pastels.

YANN ARTHUS-BERTRAND - DU 13 DÉCEMBRE 2007 AU 26 JANVIER 2008

DU 13 DÉCEMBRE 2007 AU 26 JANVIER 2008

YANN ARTHUS-BERTRAND

TARMACS

C’est en s’élevant parfois de quelques dizaines de mètres qu’il parvient à isoler, dans ce que chacun peut voir tous les jours, des angles inattendus ou de nouvelles combinaisons de matières. Comme dans ces Tarmacs qu’il nous montre aujourd’hui. De simples pistes d’atterrissage dont il retient l’extrémité. Cette zone de vérité où les pilotes ont l’obligation de se poser, juste après le peigne, entre les quatre points du damier. À chaque toucher des roues, de la fumée se dégage et les pneus abandonnent une quantité non négligeable de gomme. Les rotations sont nombreuses et les empreintes se superposent.

 

Par le biais de ses vols en hélicoptère, Yann Arthus-Bertrand est devenu peintre. Une qualité que bon nombre d’esprits chagrins ne voudront pas lui accorder, puisqu’il n’utilise pas les ustensiles convenus et ne met pas la main à la pâte. Peu importe, les images sont bien là. Symboles d’un geste à l’état brut qui cherche à s’affirmer hors des sentiers battus. Pour lui, la Terre est la meilleure inspiratrice des hommes. Et c’est en s’élevant parfois de quelques dizaines de mètres qu’il parvient à isoler, dans ce que chacun peut voir tous les jours, des angles inattendus ou de nouvelles combinaisons de matières. Comme dans ces Tarmacs qu’il nous montre aujourd’hui. De simples pistes d’atterrissage dont il retient l’extrémité. Cette zone de vérité où les pilotes ont l’obligation de se poser, juste après le peigne, entre les quatre points du damier. À chaque toucher des roues, de la fumée se dégage et les pneus abandonnent une quantité non négligeable de gomme. Les rotations sont nombreuses et les empreintes se superposent. Il arrive même qu’elles recouvrent les lignes jaunes du taxi way et les marques blanches du repère central. À intervalles réguliers, les pistes ferment pour cause de nettoyage. Durant ce court laps de temps, qui ne dépasse jamais la demi-heure, Yann Arthus-Bertrand est tout heureux de s’aventurer comme sur une île déserte. Équipé d’un escabeau ou d’une nacelle, il cadre ces morceaux de piste où l’homme peint au moyen d’un avion. Un gigantesque pinceau qui lui permet, sans montrer la moindre intention artistique, d’imprimer sa trace.

Sa manière de travailler rejoint celle qu’avaient inaugurée Jacques Villeglé et Raymond Hains, quand, à la fin des années cinquante, ils ont commencé à récolter des morceaux d’affiches lacérées par les passants. Un geste sauvage auquel ils ont donné le nom du Lacéré anonyme. Un demi-siècle plus tard, en s’intéressant, pour la première fois, aux noirs les plus ardents, Yann Arthus-Bertrand nous fait remarquer, qu’aux côtés du lacéré anonyme, existe un autre lacéré, tout aussi talentueux : l’Atterri anonyme.
Images de récréation, période intermédiaire, incursion dans un autre milieu ? Certes non. La série Tarmacs fait bien partie de l’ensemble du travail de Yann Arthus-Bertrand. Elle vient à point nommé confirmer l’idée que l’homme s’il veut survivre doit atterrir. Un rappel à l’ordre, sans doute sévère, mais qui ne doit pas nous faire oublier que la noirceur des Tarmacs sait aussi vibrer d’une émotion pleine de confiance dans la capacité des hommes à relever les défis.

La série des Tarmacs est une vision pleine d’optimiste. Vu d’en haut, tout se mélange. Et du jaillissement spontané de la gomme anonyme s’échappe la flamme de nos relations futures.

 

Extrait de la préface du catalogue écrite par Valère Bertrand. Toutes les œuvres présentées sont reproduites.

HENRI CUECO - DU 27 SEPTEMBRE AU 10 NOVEMBRE 2007

DU 27 SEPTEMBRE AU 10 NOVEMBRE 2007

HENRI CUECO

SÉQUENCES (2006-2007)

En disposant des petites peintures de même format (19×27 cm) le plus souvent par six, superposées, étagées par deux, ou par groupe de quatre, soit en variant les images sur le même sujet, Feux de pré, soit en figeant une image et en la répétant, ces images séquentielles ont un rapport à l’écoulement du temps et de la circulation du regard.

J’avais déjà, dans les années 63 à 68, réalisé de nombreuses œuvres séquentielles. Séries dites Cinémas avec des baigneuses qui deviendront en 1966 la toile exposée dans la salle verte du Salon de la jeune peinture intitulée De la Baignoire à la Salle de bain.

En 1965 Sanitaire et Papier peint montrait un nu féminin qui, par le jeu de portes qui se fermaient, dissimulait progressivement une intimité bientôt soustraite au regard.
En 1967-68, Les Jeux d’adultes étaient réalisés sous forme de figurines en bois peint dont la situation pouvait varier en les déplaçant sur un socle perforé, proposant diverses postures à la disposition du «joueur».

À ce jour, deux séries d’œuvres fonctionnent ainsi.
La première est une collection de pommes de terre – de rosas en particulier – dont les assemblages incertains ont des vertus formelles qui dissolvent parfois le pouvoir de constituer de la durée. Mais la volonté de réduire l’image des pommes de terre à leur trivialité ménagère m’a, lors des années 87 à 93, déjà joué des tours : le tubercule s’échappe et rejoint des questions sociales ou affectives que je n’avais pas prévues.

La seconde série de cinémas est principalement consacrée au feu, à la fumée. Existe-t-il pour moi des corrélations entre ce thème et les embrasements de la planète blessée ? Ces feux sont-ils des rituels funéraires qui ne s’éloigneraient guère du même thème ? Je ne sais. Il existe dans ces travaux une part d’enfance qui se produit en dehors de toute volonté. Ces feux et fumées sont-ils des traces de ces enfances joueuses ? Avec l’âge, elles peuvent inverser leur poids d’innocence et prendre une tonalité funèbre. Pour moi, j’en doute, mais l’innocence échappe à l’innocent. Quant aux «nuées», elles sont de même nature que les fumées, incertaines, hasardeuses, le regard y découvre parfois des promesses voluptueuses.

J’ai trouvé du plaisir à réaliser ces variations temporelles, ce plaisir ne justifiant rien, ni la qualité du travail, ni le plaisir qui se retrouverait chez celui qui regardera l’œuvre, comme le disait si bien Marcel Duchamp. Parmi ces plaisirs, il en est un que je veux essayer de dire.

Certaines de ces toiles sont faites d’une utilisation de la toile vierge (blanche le plus souvent, ou écrue) pour signifier la fumée qui cacherait l’image, effacerait un paysage qui en réalité n’a jamais existé. C’est la part malicieuse de ce travail : faire d’une lacune, d’une surface non transformée, un moyen de cacher un paysage qui sous cette partie vierge n’a pas été peint.

Ce blanc est l’équivalent du savon à barbe qui, dans les autoportraits, cache parfois le visage. C’est un exercice formel qui fait suite à des ouvrages ou à des textes sur le thème du «rien» ou du «presque rien» que j’ai présentés dans des exercices «papous», comme s’il s’agissait d’une activité essentielle, puisque c’est une manière de solliciter ce désir de faire apparaître, si important dans la fabrique de toute image, ici, en allant le plus loin possible vers «l’absence» qui le provoque.

Cette disparition fantôme, soit par fragmentation, soit par effacement, en fécondant le vide est une proposition malicieuse qui conjugue «faire» et «ne pas faire». Il demeure ainsi des traces de l’élaboration du travail, moyen de rendre compte de ce qui s’est fait par renoncement, destruction, recouvrement, effacement, repentir et ce qui en subsiste de visible et d’espérance d’un résultat dont l’issue est toujours incertaine.

Dans ces «séquences», le rapport au cinéma est lié à la succession des images, elle suggère que la répétition accumule du temps, peut-être un écoulement. La surprise est qu’en répétant une image fixe, cette séquence immobilise le regard et développe un écoulement lui-même immobilisé. Un temps sans que rien ne s’y passe, un neutre temporel qui peut suggérer la mort tout en stimulant le plaisir à être. Tout cela peut faire apparaître, témoigner qu’on y a été, sans doute qu’on y est encore et que peut-être on y sera. L’image elle-même regarde le regardeur et s’éprend de son regard complice en devenant l’œuvre.
Ce vécu figé, ce passage par l’aveuglement du blanc, produit ce regard fixe décrit par les physiologistes, un regard qui s’éteint. Par certains aspects, il s’apparente au rêve, à sa trace dans le souvenir, le plus souvent à sa disparition, d’où le renouvellement du désir d’apparition, sa récurrence dans le rêve ou la peinture.

 

Cueco
3 juillet 2007

ERRÓ - DU 24 MAI AU 13 JUILLET 2007

DU 24 MAI AU 13 JUILLET 2007

ERRÓ

TOY STORY

Quatrième exposition de Erró à la galerie Louis Carré, Toy Story met en scène en une trentaine de peintures réalisées ces cinq dernières années, les aberrations, les excès, les accès d’humeur, les déchirements guerriers de notre société.

Faisant appel cette fois-ci aux héros de notre enfance et des dessins animés, il rappelle que nous vivons sur une Planète sauvage où se joue The Late Show et que derrière Le Triomphe de Barbie se profile la charge de la cavalerie lancée au son du clairon.

Que dire du Tribunal des Jokers dans lequel un auditoire grimaçant regarde deux marionnettes du grand guignol régler leur différend à coup de matraque, sans oublier la foule des vacanciers à Saint-Tropez, toujours plus grouillante, toujours plus égoïste et individualiste qui, au mépris de tout respect de l’environnement aussi bien humain que de la nature, envahit la plage.

Au fil de cette nouvelle fable, Erró dénonce inlassablement, avec un humour féroce et une grande acuité, la violence de cette société où le puissant à la recherche d’encore plus de pouvoir entraîne le faible dans sa folie des grandeurs, où la guerre et le crime sont banalisés.

Même les jouets perdent la tête et rejouent The Star War tandis que d’autres s’installent dans La Salle du départ et attendent Le Départ vers la pleine lune.

Toutes les œuvres présentées dans l’exposition sont reproduites dans le 4e volume du Catalogue raisonné Erró 1987-2006, à paraître en mai prochain aux éditions Hazan. L’ouvrage sera disponible à la galerie au prix de 35 € (trente-cinq euros).

 

« MES MOTIVATIONS SONT MYSTÉRIEUSES, MULTIPLES, CONTRADICTOIRES ET SOUVENT ME SURPRENNENT MOI-MÊME. J’AIME CETTE CAPACITÉ DE « DONNER À VOIR » CE QUE J’AI VU. LA PEINTURE EST UN MOYEN DE DÉCOUVRIR L’IMPORTANCE D’UN MONDE TROUBLÉ. »

JEAN-JACQUES LEBEL - DU 22 MARS AU 28 AVRIL 2007

DU 22 MARS AU 28 AVRIL 2007

JEAN-JACQUES LEBEL

DESSINS 2004-2007. TRÈS LOW TECH…

La galerie Louis Carré présente au printemps 2007 une sélection de cinquante dessins inédits.

 

En 2004, la galerie Louis Carré a présenté trois grandes installations murales de la série «Reliquaires pour un culte de Vénus», composées à partir de centaines d’images peintes, dessinées, photographiées, retravaillées, tournant autour de la vénusté.

Ces installations – chaque fois différentes par leurs formes et leurs mixages – se sont promenées dans une vingtaine de musées et galeries à travers l’Europe, puisant dans l’immense réservoir iconologique de la Préhistoire, des arts sauvages, de la Renaissance, de l’art moderne, de la période actuelle. Ce fut une traversée de toutes les époques, de tous les médias, de toutes les cultures qui ont voué un culte à la déesse de la Beauté et de l’Amour. La dernière installation vient de s’achever au Palais des beaux-arts de Lille.

Parallèlement, Jean-Jacques Lebel a consacré six années de travail à un récit photo cinématographique structuré en douze séquences plastiques, intitulé «Les avatars de Vénus» dans et par lequel il a transformé, recyclé, ré-élaboré cette même matière première protéiforme récoltée aux quatre coins du monde.

L’objet filmique numérisé sera projeté sur quatre écrans au Studio national des arts contemporains du Fresnoy en juin 2007, dans le cadre de la manifestation «Panorama» et sera édité et diffusé sous forme de DVD par Re:Voir.

Afin d’éviter de sombrer dans le gouffre sans fond du HIGH TECH, l’artiste s’est consacré simultanément à des dessins, à l’encre sur papier, en noir et blanc. L’immédiateté du trait automatique, très LOW TECH, a fait fonction d’antidote et/ou de contre-feu à la lourde complexité de la machinerie informatique.

C’est une sélection de cinquante de ces dessins, inédits et souvent permutables, que présente la galerie Louis Carré.

Quelques-uns seront reproduits dans L’Immédiat Labile, un ouvrage de Jacqueline Cahen préfacé par Bernard Heidsieck, à paraître aux éditions Polyphonix / Nèpe, que les auteurs signeront à l’occasion du vernissage.

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« L’IMMÉDIATETÉ DU TRAIT AUTOMATIQUE, TRÈS LOW TECH, A FAIT FONCTION D’ANTIDOTE
ET/OU DE CONTRE-FEU À LA LOURDE COMPLEXITÉ DE LA MACHINERIE INFORMATIQUE. »

MARK BRUSSE - DU 25 JANVIER AU 24 FÉVRIER 2007

DU 25 JANVIER AU 24 FÉVRIER 2007

MARK BRUSSE

ASSEMBLAGES ET COLLAGES (1976-2006)

À partir du 25 janvier 2007, la galerie présente une exposition dédiée à Mark Brusse, réunissant assemblages et collages de 1976 à nos jours.

 

Ce travail – nourri de voyages et de rencontres, empreint de sérénité, souvent teinté d’humour – témoigne d’une vision du monde volontiers poétique.
Sa démarche est à l’écart et la distance qu’elle s’octroie le sauve parce qu’elle le préserve. Offrande, sacrifice, conversation muette, monologue silencieux… il est ici question de présence et d’intérieur.

 

Philippe Piguet
(in catalogue Réponse en question, 1992)

 

 

La sculpture-assemblage :
Dès 1961, installé définitivement à Paris, Mark Brusse conçoit les séries des Clôtures, Soft Machines et Strange Fruits, assemblages d’objets en bois de récupération et divers métaux trouvés dans la rue, qui racontent l’histoire d’éléments rencontrés par hasard et rassemblés selon la fantaisie de l’artiste pour vivre ensemble une nouvelle vie. À cette époque, il fréquente les Nouveaux Réalistes réunis autour de Pierre Restany ainsi que ses amis Robert Filliou et Daniel Spoerri.

1965, séjour de deux années à New York où, influencé par l’esprit minimaliste du moment, son travail prend une nouvelle dimension. L’épuration des formes et des couleurs sont nécessaires à l’évolution de son langage (séries Natural Wood et Floor Pieces, pièces géométriques en bois peint ou non). Il renoue avec le groupe Fluxus connu pour son attachement au caractère événementiel et éphémère de l’œuvre, ce qui conduit Brusse à participer à plusieurs happenings et surtout à collaborer avec le musicien John Cage. Ces expériences artistiques lui donnent le goût de l’«Environnement», c’est-à-dire des installations adaptées à l’espace donné, (Occupation d’Espace, volumes en bois qui remplissent entièrement l’intérieur des salles, bloquant ainsi l’accès, Kunsthalle de Berne en 1968).

Après un séjour à Berlin au début des années 70, Mark Brusse rentre à Paris et s’installe à La Ruche. Il crée des assemblages, petits ou grands, certains sur socle, d’autres suspendus, constitués de matériaux les plus divers : filament, nœud, corde qui servent de fil conducteur, on pourrait presque parler de cordon ombilical.

Cependant, on y retrouve surtout le bois. Les titres choisis sont souvent poétiques, mystérieux, parfois ironiques. C’est à cette époque que le sabot hollandais apparaît dans son travail (Puget Sound, 1976 ; Knot-Thing, 1987 ; I have a nail in my Shoe, 1976).

Artiste pérégrin, Mark Brusse parcourt le monde animé d’une curiosité insatiable. Les sculptures réalisées ces dix dernières années sont empreintes de cette itinérance. Elles composent une synthèse de tout ce que l’artiste a rencontré sur sa route au cours des années précédentes. En bois brut badigeonné de blanc pur, souvent de grand format, elles composent une réflexion sur le monde et la vie vus par l’artiste : le temps qui s’écoule qu’il tente de retenir, le bruissement du vol du papillon qu’il fige à jamais ou encore la plume blanche dont il accapare la légèreté dans la transparence du verre (The White Moment, 2001 ; The Shape of Silence, 2003).

 

Le collage :
Bien que le collage joue un rôle important dans son œuvre depuis plusieurs années, c’est au cours d’un séjour au Japon en 1983, qu’il connaît son plein épanouissement. Suivant le principe de récupération qu’il a adopté dès son arrivée à Paris, Mark Brusse recherche les éléments de ses collages dans la rue. Il assure d’ailleurs : Je les ai trouvés dans la rue, j’ai trouvé ce qui au fond existait déjà en moi. Son intérêt se porte sur des bouts de papier avec des écrits japonais qu’il associe parfois à des objets, des éléments vestimentaires, en particulier des gants. Les compositions sont sobres ; elles portent la marque de la tradition zen car la civilisation asiatique influence fortement l’œuvre.

POL BURY - DU 21 SEPTEMBRE AU 4 NOVEMBRE 2006

DU 21 SEPTEMBRE AU 4 NOVEMBRE 2006

POL BURY

HOMMAGE

À l’occasion de la publication aux Éditions Louis Carré & Cie du catalogue raisonné des Fontaines de Pol Bury, la galerie présente une exposition en hommage à l’artiste qui nous a quittés il y a un an.

Dix années de travail en commun que jalonnent six expositions personnelles tant à la galerie qu’à la Fiac ou à Art Paris, accompagnées de catalogues dont les textes sont écrits par son ami de toujours André Balthazar, Peter Selz, Paul-Louis Rinuy, Valère Bertrand ; une large contribution de la galerie à la présentation d’expositions en France, en Suisse, en Belgique, aux États-Unis.

Nous retracerons le parcours de l’artiste, créateur du mouvement à peine décelable des Plans mobiles (1953), des Multiplans (1957), Ponctuations (1959), Érectiles, Vibratiles et Parallélépipèdes (1960), animés au gré du bon vouloir du spectateur ou par un moteur électrique ; des Volumes figés (1993), carrés de cuivre ou carrés miroirs superposés qui s’articulent dans l’espace, créant d’élégantes sculptures immobiles, aux formes hélicoïdales ; des Tiroirs et Intérieurs (2000), sculptures-objets mettant en mouvement à l’aide d’un moteur électrique des disques, billes et cubes qui vibrent selon des temps et des rythmes qui se répondent ; des Monotypes numériques (2001), véritables «ramollissements virtuels» réalisés à l’aide d’un ordinateur et d’un logiciel de traitement d’images.

Pol Bury «remastérise» ainsi Ève, Vénus, Danaé, Olympia à partir d’ektachromes des œuvres du Cranach, Michel Ange, Le Titien, Ingres ou Manet.

Puis La lenteur murmurée, sculptures murales réalisées en 2003 et 2004 dans lesquelles l’artiste retrouve cette lenteur qui animait subrepticement les sculptures des années 60. Cette fois les reliefs sont d’un dépouillement extrême : des éléments simples (boules et bâtons), à fleur de surfaces monochromes aux couleurs réduites (rouge, blanc, noir), aux mouvements insaisissables.

Les Plans tournants (2004), sculptures verticales (210 cm de hauteur), en bois peint en couleurs monochromes (blanc, rouge ou noir), munis d’un moteur électrique. Ils portent à leur sommet des éléments géométriques superposés, découpés en carré, demi-lune ou cercle brisé, se mouvant lentement autour d’un axe central.

L’ensemble est présenté en 2005, sur le stand de la galerie au salon Art Paris, au Carrousel du Louvre.

Enfin, les Girouettes – ultime création de l’été 2005 –, sculptures mobiles en PVC et acier inoxydable, actionnées par la seule force du vent.

Sans oublier les 58 fontaines que Pol Bury a créées et installées à travers le monde et qui font l’objet du catalogue raisonné.

THOMAS HUBER - DU 18 MAI AU 8 JUILLET 2006

DU 18 MAI AU 8 JUILLET 2006

THOMAS HUBER

SCIENCE – FICTION

La galerie Louis Carré présente les œuvres de Thomas Huber lors d’une exposition intitulée Science – Fiction du 18 mai au 8 juillet 2006.

 

Thomas Huber est né en 1955 à Zurich. Il vit et travaille en Allemagne, près de Düsseldorf.

Il a certes mis au point un langage avec ses codes, mais chaque nouvelle série d’œuvres apporte de nouvelles propositions et de nouvelles interrogations.

Extrait de la préface de Jean-Hubert Martin, catalogue de l’exposition Science – Fiction à la galerie Louis Carré & Cie :

… Autrefois ses peintures étaient souvent le reflet de sa vie privée et de ses aléas. Les enfants y faisaient des incursions constantes. La nouvelle série qu’il présente ici est au contraire beaucoup plus détachée, plus abstraite en somme.

Vous remarquerez que pour une des premières fois elle n’est pas accompagnée d’un discours. Fait nouveau, maturité de l’œuvre ? Elle se présente comme un musée des espaces, enchaînant une salle derrière l’autre, chacune avec son caractère propre, ses subtilités spatiales, ses surprises lumineuses et ses jeux d’illusion.

Imaginez que vous n’êtes plus seulement dans une de ses peintures, mais que vous déambulez ainsi de salle en salle, comme dans un énorme château où le maître des lieux aurait ménagé cette incroyable séquence d’ambiances ludiques…

ERRÓ - DU 9 MARS AU 29 AVRIL 2006

DU 9 MARS AU 29 AVRIL 2006

ERRÓ

THE FORGOTTEN FUTURE AQUARELLES 1981-2004

La galerie Louis Carré présente les aquarelles d’Erró de 1981 à 2004.

Gudmundur Gudmundsson – qui prendra plus tard le pseudonyme d’Erró – naît en 1932 à Ólafsvík, dans le nord-ouest de l’Islande.
Admis à l’école des Beaux-Arts de Reykjavík en septembre 1949, il obtient le diplôme de professeur d’art au printemps 1951.
En 1952, il se rend en Norvège où il étudie la gravure, la fresque et la peinture à l’académie à Oslo.
Sa première exposition personnelle a lieu en 1955 à Florence, galleria Santa Trinità.
En 1958, il se fixe à Paris où son travail est révélé dans le cadre de la Figuration narrative.

Au cours de ses voyages à travers le monde entier, Erró collecte des images (publicités, photos d’actualité, bandes dessinées, affiches, documents politiques) qui sont sa source d’inspiration. Il les choisit, les assemble, les accumule selon son bon plaisir – toujours avec humour, parfois avec angoisse et violence – sur les toiles pour former des tableaux qui sont autant à lire qu’à voir. La peinture est un lieu d’expérimentation, où il peut faire du vieux avec du neuf. Elle est la forme privée de l’utopie, le plaisir de contredire, le bonheur d’être seul contre tous, la joie de provoquer. Il révèle et dénonce les aberrations de notre société : consommation dirigée, érotisme mercantile, révolutions, américanisation de l’existence…

Dans certaines de ses compositions, il insère habilement des personnages de toiles de Ingres, Delacroix, Léger ou Picasso, lesquels se retrouvent cohabitant avec des stars du cinéma, des hommes politiques ou des héros de bandes dessinées. Souvent, il travaille par séries : cycles chinois, politiques, érotiques.
J’ai besoin de matériel efficace et, au cours de mes voyages, je fouille partout chez les soldeurs de livres, dans les kiosques.
J’accumule une quantité énorme de matériel, et lorsque j’ai réuni beaucoup d’images se rapportant à un thème, c’est signe de commencer une série. Le processus consiste ensuite à sélectionner les images, à les “marier” ensemble pour en faire des collages, puis des tableaux.

En juin 2001, la Collection Erró du musée de la Ville de Reykjavík est présentée au public dans son nouveau cadre à Hafnbarhúsid à la faveur d’une grande rétrospective.

De très nombreuses expositions sont consacrées à son œuvre tant en France qu’à l’étranger.
Plusieurs rétrospectives lui ont été dédiées : en 1985 au musée d’art moderne de la Ville de Paris et en 1999 à la galerie nationale du Jeu de Paume. En 2005, le Musée d’art moderne et contemporain de Palma de Majorque ainsi que le Mannheimer Kunstverein présentent une exposition rétrospective (1958- 2004) puis l’IVAM à Valence et l’Alcalá 31 à Madrid en 2006.

EDUARDO ARROYO - DU 24 NOVEMBRE AU 23 DÉCEMBRE 2005

DU 24 NOVEMBRE AU 23 DÉCEMBRE 2005

EDUARDO ARROYO

PAPIERS (1960-2005)

L’exposition présentée à la galerie Louis Carré est un parcours « sur papier » de l’œuvre peint d’Eduardo Arroyo.

 

Né à Madrid en 1937, il fuit l’Espagne franquiste, et s’installe à Paris, en 1958.

Il participe en 1964 et 1965 aux expositions autour des nouvelles figurations organisées par Gérald Gassiot-Talabot (Mythologies quotidiennes, La Figuration narrative dans l’Art contemporain) et en peu de temps devient, en France, l’un des protagonistes essentiels de l’avant-garde figurative à fort contenu politique [Pont d’Arcole (1967) ; Sama de Langreo (Asturias) settembre 1963, Il minatore Silvino Zapico viene arrestato dalla polizia (1968)].

Son œuvre présente des périodes militantes, ou en tout cas violemment critiques, et des périodes familières, volontiers tendrement humoristiques. Le rôle du peintre dans la société et la situation de l’intellectuel exilé ont été des thèmes générateurs d’œuvres d’une grande richesse narrative.

Le retour de l’Espagne à la démocratie a désamorcé la dimension contestataire et accusatrice du propos pictural d’Arroyo et a marqué une évolution dans sa perception du rôle de la peinture.

Il redécouvre l’Espagne, presque en amoureux, tendrement sensible aux « clichés » de l’espagnolade, ainsi dans Madrid-Paris-Madrid, villes axe de son existence, il plante le décor de l’arène, en rouge et jaune.

Puis arrive Carmen Amaya, danseuse de flamenco célèbre dans les années quarante, paradoxalement aussi omniprésente qu’invisible dans la série « Waldorf Astoria ». Débauche de tissus à pois, d’élégance hautaine, de mouvements passionnés.

Si la thématique du travail d’Arroyo s’est trouvée bouleversée, la syntaxe de sa formulation est restée inchangée, toujours basée sur le collage : « C’est justement cet aspect sériel, fragmentaire, morcelé, ces différences stylistiques, ces mélanges… toute cette incohérence, qui font la cohérence de mon œuvre. »

Ce magicien de l’image s’est composé un vocabulaire et une syntaxe du langage pictural fondés sur une peinture littéraire et autobiographique, articulée en séries, où rivalisent l’auto-ironie et le tragi-comique.

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Tue ‒ Thu: 09am ‒ 07pm
Fri ‒ Mon: 09am ‒ 05pm

Adults: $25
Children & Students free

673 12 Constitution Lane Massillon
781-562-9355, 781-727-6090